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La justice selon Lao Tseu
La justice est-elle juste ? Comment serait la justice si elle était prononcée par des hommes ou femmes de sagesse ?
En Chine, il y a environ 2500 ans, le maître Lao Tseu était devenu très célèbre, il était considéré comme l'un des plus grands sages.
Dans cette belle histoire ancienne transmise par Osho, Lao Tseu accepte malgré lui de devenir juge, et dès son premier procès, il bouscule les fondements éthiques de la justice humaine.
L'empereur de Chine nomma Lao Tseu juge en chef de sa Cour suprême. Lao Tseu tenta de le persuader, en vain : "Vous vous repentirez si vous me nommez juge en chef de votre Cour suprême, car ma façon de comprendre et de voir est totalement différente de la vôtre."
Mais l'empereur insista beaucoup, car il avait tant entendu parler de la sagesse de cet homme. Il dit : "J'ai pris ma décision. Et vous ne pouvez pas la refuser."
Le premier procès, le premier jour où Lao Tseu fut nommé juge en chef, concernait un homme pris en flagrant délit de vol au domicile d'un homme qui était le plus riche de la capitale. En réalité, il n'y eut pas de procès ; il fut pris en flagrant délit. Des témoins oculaires furent présents, et il avoua lui-même que : "tout ce qu'ils disent est vrai."
Lao Tseu rendit son célèbre jugement, si unique et si riche en compréhension qu'un tel jugement n'a jamais été rendu par personne, ni avant ni après. Le jugement condamna le voleur à six mois de prison – et le riche aussi fut condamné à six mois de prison ! Toute la cour, tous les juges, ne pouvaient pas le croire. Ils pensaient que son jugement démontrerait sa sagesse ; or là, il prouva qu'il était fou ! Quelle faute a donc commis cet homme riche ?
L'homme riche dit : "Je n'en crois pas mes oreilles. On me vole mon argent et c'est moi qui suis puni ? Et c'est la même même punition que vous infligez au voleur ?"
Lao Tseu dit : « Vous êtes le premier criminel – le voleur vient en deuxième position. C'est juste du fait de ma compassion que je ne vous donne que six mois ; vous devriez être condamné à une peine de prison plus longue que le voleur. Vous avez amassé tout l'argent de la capitale, vous avez rendu des milliers de personnes affamées, pauvres, mourantes – et ce sont ces personnes qui produisent les biens nécessaires. Vous êtes le plus grand exploiteur. L'argent leur appartient ; il ne volait pas, il ne faisait que ramener l'argent là où il doit être. C'est vous le vrai voleur, le plus grand voleur de la capitale. Soyez donc reconnaissant que je ne vous envoie pas en prison pendant six ans."
Son raisonnement était absolument juste : si les gens continuent à amasser de l’argent d’un côté, qui crée les voleurs ? Et si quelqu’un, affamé, malade ou âgé, ne trouve aucun autre moyen de survivre et devient voleur, qui en est responsable ? Toute la cour resta silencieuse.
L’homme riche dit : "Vous avez peut-être raison, mais avant de m’envoyer en prison, je veux voir l’empereur."
Et à l’empereur, il dit : "Vous avez nommé ce fou comme juge en chef de votre Cour suprême. Et rappelez-vous : si je suis un voleur, vous êtes un plus grand voleur ; et si je vais en prison aujourd’hui, préparez-vous car bientôt ce sera votre tour. Nous nous retrouverons en prison. Vous avez exploité tout le pays, et si vous voulez sauver votre peau, destituez cet homme immédiatement et annulez son jugement."
L'empereur dit : "C'est ma faute. Cet homme s'est bien efforçé de me persuader. Il m'a bien dit : 'Ne me nommez pas juge en chef, car ma façon de voir et de comprendre est totalement différente de la vôtre. Vous êtes aveugle et vous vivez dans l'obscurité; vous ne voyez pas les faits simples, comme le fait que le voleur n'est pas un criminel, mais une victime. Il a besoin de toute la compassion possible; mais au contraire, il est puni. Et le riche n'a besoin de la compassion de personne, mais personne ne pensera jamais qu'il doit être puni. C'est toute votre bande qui fait toutes les lois, qui vous sont favorables et qui sont défavorables aux pauvres dont vous avez tous sucé leur sang.'"
Lao Tseu fut relevé de ses fonctions et l'empereur lui dit : "Vous aviez raison. Veuillez me pardonner. Nos façons de penser sont totalement différentes."
Lao Tseu dit : "Y avez-vous bien réfléchi ? Vous dites que nos façons de penser sont totalement différentes… Si vous y aviez réfléchi, elles n'auraient pas été différentes. Elles sont différentes parce que j'essaie d'en voir la cause profonde : pourquoi il y a tant de souffrance, pourquoi il y a tant de mal? Et vous ne cherchez qu'à accumuler toujours plus de pouvoir, toujours plus de richesses. L'avidité est irréfléchie, l'ambition est aveugle. Et c'est une bonne chose que vous ayez compris dès le premier jour, car à mes yeux, vous êtes un criminel et, tôt ou tard, j'allais vous envoyer en prison. Il est préférable que vous m'ayez épargné la peine de vous envoyer en prison. Mais souvenez-vous que vous êtes la cause de tous les crimes et que vous n'êtes jamais puni pour cela, alors que les pauvres victimes sont punies."
Extrait du livre d'Osho: The Messiah, Commentaries on Kahlil Gibran’s “The Prophet”, Vol 1, Ch 21
Traduit de l'anglais par Meditationfrance