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La médecine ne peut pas se résumer à de la technique.

Christophe André

Par Christophe André

Christophe André est médecin psychiatre et auteur de «Consolations, celles que l’on reçoit et celles que l’on donne». Pour lui, «le care est essentiel mais il reste dans l’ombre».

«Soigner est capital. Mais il y a quelque chose à côté des soins : toutes ces attitudes qu’on ne valorise pas assez. Il y a en fait des tas de choses qu’on ne peut pas soigner. On n’est peut-être pas assez attentif à la chaleur, la bienveillance. Le parcours de soins est souvent angoissant. La table d’opération, les protocoles de soins hasardeux… Quand on sait qu’on n’a pas de prise, la consolation doit être présente.

«Dans l’éducation que l’on reçoit, nous, les médecins, on ne nous apprend jamais à affronter les situations d’impuissance thérapeutique. On ne nous apprend pas à faire face à l’échec. La consolation est au cœur de cela. Tout le bien qu’on peut faire à quelqu’un, quand on n’est pas en mesure de régler son problème. Tout le soutien qu’on apporte à un patient quand on sait qu’on n’a pas le moyen d’affronter son mal… Même si évidemment, on préférerait apporter une solution qu’une consolation.

«Quand j’étais en situation de malade, je m’en suis aperçu. Un soignant qui vous sourit, vous console, vous insuffle des paroles de confiance, cela ne vous guérit pas, mais vous remet dans une espérance, une fraternité humaine, et, en outre, vous fait du bien. Le grand classique, c’est lorsque les soignants se retrouvent en situation de patients. La perspective est alors différente. Je ne faisais pas attention aux lettres de patients, je cherchais à progresser dans mes capacités à soigner, pas à consoler. Le “care” est essentiel mais il reste dans l’ombre, il n’y a pas de rendement, de calcul de la performance.

«Il n’y a pas de théories pour valoriser la consolation. Ce n’est pas un acte spectaculaire ; il apporte un réconfort intime qui ne se voit pas. On ne pose pas de perfusion, on ne passe pas le balai dans une chambre. C’est un énorme problème que ce ne soit pas pensé et théorisé, qu’on ne dispose pas d’études qui montrent les effets bénéfiques. Si on regarde ce qui agit dans le cerveau des gens qui passent un examen, si quelqu’un leur tient la main ou non, on ne verra pas la même chose. Il se joue quelque chose d’antalgique. Il faudrait davantage de données scientifiques sur ce sujet. C’est capital. La médecine ne peut pas se résumer à de la technique. La médecine de la personne nécessite de s’asseoir aussi au bout du lit de cette dernière. Il faut avoir une valorisation sociale possible, s’intéresser à la personne, ses inquiétudes. Il est vital que quelqu’un prenne le temps de s’arrêter pour parler avec vous.

«Il y a eu comme un point de bascule lié à plusieurs facteurs. Quelques scandales, les patients d’Ehpad maltraités, la problématique des urgences avec ces patients qu’on ne peut pas accueillir décemment. La tendance globale de la société à avoir recours à la violence… Si chaque patient pouvait passer un moment avec l’infirmière de l’accueil… Un patient bien soigné mais qui ne sera pas mis dans de bonnes dispositions émotionnelles n’aura pas de bons résultats.

«On manque actuellement de généralistes. Les spécialistes sont de plus en plus pointus. On redécouvre l’importance de la médecine de proximité, avec des infirmiers qui connaissent souvent mieux le patient que des médecins.»

Publié sur Liberation