meditationfrance, méditation, tantra, connaissance de soi
Les archives de Meditationfrance

Le maître nous quitte-il vraiment?

papaji

par H.W.L. Poonja

Poonja a dit au sujet de son maître Ramana Maharshi :

" Cela ne fait aucune différence, qu'il soit vivant ou qu'il ne le soit plus. La raison en est que ce n'est pas la forme de la personne qui vous donne satisfaction. Le chemin qu'il a exposé est toujours présent pour ceux qui veulent le suivre. Ce qui revient à dire : rester tranquille, découvrir qui vous êtes et découvrir la source de tout cet univers, d'où il vient. Et cela vous donnera la vraie satisfaction. "

Nous étions à Lucknow en Inde et rendions visite à Poonja au moment où son corps s'est éteint. C'était le 6 Septembre 1997. Aucun objet, aucun corps n'est éternel... C'est ainsi que ce qui faisait de lui un homme, un ami, un sage rempli de joie de vivre avec un humour et une vivacité d'esprit extraordinaires est parti à jamais. Ce qui faisait, et fait de lui un maître exceptionnel qui demeure pour toujours et c'est le Soi, notre propre Soi.

Question : Quelle est la fonction du gourou ou instructeur ?

Poonja : Le mot 'gourou' signifie : 'celui qui enlève l'ignorance, qui dissipe l'obscurité', l'obscurité de 'je suis le corps', 'je suis le mental', 'je suis les sens' et 'je suis les objets et la manifestation'. Celui qui a par lui-même connu la vérité et qui est capable de communiquer cette connaissance, d'en transmettre le vécu, est nommé 'gourou'.

Q : Papaji [1], vous recommandez aux gens de s'asseoir en satsang auprès d'un Maître réalisé et de rester tranquille. Lorsque le maître meurt et que le satsang physique n'est plus possible, que devrait faire ensuite le disciple ?

P : Si c'est un disciple véritable, il ne sera pas d'accord sur le fait qu'un Maître puisse jamais mourir. Le corps meurt, mais le Maître n'est pas le corps. Tous les corps vont mourir, mais le Maître n'a jamais été un corps. Par conséquent la mort du corps n'a pas d'importance pour le disciple, car il sait que le Maître est quelque chose d'autre. Le Maître se tient toujours au dedans du Coeur d'un disciple. Le disciple qui sait ceci n'a besoin de rien d'autre. Il sait parfaitement bien: " Mon Maître ne me manque pas. Mon Maître est ici maintenant, toujours avec moi. " Voici la relation entre le Maître et le disciple.

Q : Si le disciple a cette attitude, alors la réalisation est possible après la mort du Maître ?... Si le disciple a cette attitude, " mon gourou n'était pas le corps qui est mort, il est mon propre soi ", alors avec cette attitude, il peut encore réaliser le Soi. Il n'a pas besoin de chercher un autre enseignant physique.

P : L'enseignant est celui qui enlève le corps et le mental du disciple. S'il ne l'a pas fait ou ne peut pas le faire, il ne peut être accepté en tant que véritable enseignant. Afin de chercher un autre enseignant, il vous faut un mental et un corps, n'est-ce-pas ? Si vous n'avez plus de mental ni de corps, où chercherez-vous ? Comment chercherez-vous ?
Poonja est né le 13 Octobre 1910 dans une région du Punjab faisant maintenant partie du Pakistan. A l'âge de 8 ans il vécut sa première expérience du Soi. Cherchant à la comprendre, il passa une grande partie de sa vie en quête de Dieu. Il entrait dans les asrams [2] chaussé des bottes de l'armée où il travaillait alors et s'adressait aux swamis responsables leur demandant s'ils avaient vu Dieu. Tous répondaient que leur barbes étaient devenues longues et grises, qu'ils n'avaient toujours pas vu Dieu et que cela prenait beaucoup de pratique et de temps. Aucune réponse ne lui donnait satisfaction. Ce fut en la présence de Ramana Maharshi qu'il réalisa le Soi dans les années 40. Celui-ci l'envoya ensuite s'occuper de sa famille.

Q : Beaucoup de gens disent que vous êtes un être réalisé. Y a-t-il une différence entre la réalisation et l'illumination ?

P : Beaucoup de gens, en effet disent que je suis un être réalisé. Ceci est dû aux notions qu'ils ont de la réalisation, et à cause de celles-ci ils pensent que je suis réalisé. Mais je ne vois pas de différence entre eux et moi.

Et, oui, bien que nous utilisions ces deux mots de façon interchangeable, il y a une différence entre la réalisation et l'illumination. La réalisation survient après une sadhana [3] ou une pratique ou encore une méthode et ce qui est réalisé n'était pas là précédemment. Réaliser au travers d'une méthode est la réalisation.

L'illumination c'est d'être conscient de quelque chose qui n'était pas clair auparavant. Comme un diamant que vous avez pris tout d'abord pour un caillou, mais ensuite vous découvrez que c'est un diamant. La lumière vient après la connaissance que ce n'est pas un caillou et ainsi vous commencez à lui donner de la valeur.

Ce qui est au delà de la conscience, au delà de l'illumination est l'essence. Qui peut être conscient ? Et qui peut être illuminé ? Car il n'existe aucune obscurité. Cela est déjà là et se révèle lorsque la poussière de vos notions est dissipée. Cela viendra lui-même. Vous et Cela fusionnerez et vous ne verrez plus aucune différence entre les deux. Vous ne verrez rien d'autre. Aucun mots ne peuvent l'expliquer.
Après sa retraite, il se retira du monde et vécut une vie simple partageant son expérience et sa connaissance du Soi avec les gens qui croisaient son chemin. Il voyagea en Europe, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. Lorsque sa santé ne lui permit plus de se déplacer, il resta à Lucknow où depuis 1992 s'est créée une communauté informelle pour faciliter le séjour des visiteurs. C'est ainsi que ceux qui désiraient vivre de façon permanente auprès de Poonjaji louaient des maisons proches de la sienne, dans lesquelles ils sous-louaient des chambres d'hôtes.

Vers la fin de sa vie et contrairement à son habitude, Poonjaji répondait de moins en moins aux questions. Il lisait les grands textes ou enseignements, comme le Yoga Vasishta, la Ribhu Gîta, la Bhagavad Gîta, le Bijak de Kabir, des textes bouddhistes, taoïstes ainsi que les enseignements de Robert Adams (lui-même disciple de Ramana Maharshi). Plus récemment encore, il ne parlait presque plus. Il laissait libre cours aux élans artistiques et musicaux de ses disciples: " Je n'ai plus de volonté personnelle. 'Ma volonté' s'est complètement transformée en "Sa volonté" (Thy will). Je ne pense pas avoir eu à aucun moment une volonté personnelle. Il semblait peut-être aux autres que j'en avais une, mais je n'ai jamais eu le sentiment d'avoir une volonté à moi. Les gens me regardent manger, parler et dormir et ils pensent que je suis en train de faire ces choses. Ils s'identifient à leurs corps et à leurs actions et quand ils me regardent ils pensent immédiatement que je m'identifie à ce corps, à ses dires et à ses actions. Je n'éprouve jamais ce sentiment. "

Q : Comment éviter la mort ?

P : Avez vous jamais été en silence, sans pensée ? C'est la façon d'éviter la mort. Faites-le maintenant, ne pensez ni au passé, ni au présent et je verrai si vous le faites. Dire que vous le faites ne suffit pas. Le faire c'est rester tranquille pendant un instant. Entre le passé et l'avenir dites moi qui vous êtes.

Q : Je ne peux pas vous le dire.

P : Vous dites 'Je ne peux pas' mais pourtant vous parlez. Qui dit 'Je l'ai fait' et 'Je ne peux pas le dire' ? Vous ne l'avez jamais fait. Vous mentez !

Q : J'essaye de le faire.

P : Le fait d'essayer concerne l'avenir. Vous avez fréquenté des gens stupides et ils vous ont appris cela.

Q : Pouvez-vous parler de ce qui arrive à la conscience au moment de la mort et après la mort ?

P : De ce qui vient après elle, je vous parlerai après la mort. Comment pourrais-je parler de ce qui ce passe après la mort alors que je suis vivant maintenant ? Vous auriez du me poser votre question après la mort ! Ne l'oubliez pas ! Aurevoir, Chello [4].

Q : Comment puis-je en finir avec la peur de la mort ?

P : Il n'existe qu'une seule astuce pour éviter la peur de la mort et c'est " Connais-toi toi-même, maintenant ! " Les gens sont quasiment sans connaissance, endormi, dans un coma. Personne ne sait que faire. Donc, le mieux est de ne pas perdre de temps. Faites-le maintenant ! Découvrez quelle est la réalité de ces êtres qui apparaissent à vous. Ce que vous voyez n'a peut-être aucune réalité. Lorsque vous vous réveillez après un rêve, où se trouve la femme que vous aviez dans ce rêve ? Ainsi, pendant de nombreuses générations vous avez eu des femmes, des maris, des frères et des soeurs. Où sont-ils tous ? S'ils disparaissent comme le rêve disparaît au réveil, alors on peut très bien penser qu'ils sont aussi un rêve. Tout ce qui apparaît et disparaît doit être un rêve. Donc ce qui ni n'apparaît ni ne disparaît doit être réel. Découvrez ce que c'est. Découvrez en vous-même.

Vous devez divorcer de toutes les relations physiques, de tous les noms et de toutes les formes. Quoi que ce soit qui reste en votre mémoire est une forme. Si c'est sans forme, vous ne pouvez pas le voir. Et, maintenant dans le sans-forme, vous êtes tout à fait libre. Toutes les formes disparaîtront un jour, alors à quoi bon vivre avec une forme qui un jour vous donnera des problème et qui mourra ? Cette forme ne restera pas. Pourquoi l'aimer ? Faites attention, vous devez aimer un bien-aimé duquel vous ne pouvez divorcer. Il s'agit de 'Mademoiselle Paix'. Vous ne pouvez divorcer d'elle. Un aperçu de cette paix vous donnera la joie. Elle se cache pour l'instant, car vous êtes en train de regarder ailleurs. Cessez de regarder ailleurs simplement pendant une seconde, et elle se révélera à vous. Toutes les autres beautés s'évanouiront. Donc restez tranquille, elle se montera d'elle-même.

Vous êtes à Manhattan et quelqu'un vous a giflé dans la rue. Puis, vous rentrez chez vous dans le New Jersey et dormez pendant la nuit. Ne vous rappellerez-vous pas de l'endroit où vous avez été giflé, insulté ? Votre maison est dans le New Jersey. Elle n'a rien à voir avec l'endroit où vous avez été giflé. Ici votre ami vous embrasse. Quand vous pensez à la douleur elle appartient à un autre lieu, ailleurs. Et, cet ailleurs, c'est le passé. Quand vous retournez vers la douleur, vous devez retourner à Manhattan pour être giflé à nouveau. C'est l'habitude de la plupart des gens. Ils ne peuvent s'en empêcher. Une gifle par ci, une gifle par là, sans cesse se répétant, et pourtant ils n'apprennent pas la leçon. Allez de votre propre chemin ! N'allez pas là où vous serez insulté. Restez chez vous et vous serez heureux. Je ne veux pas dire, restez dans votre maison ou votre appartement. Rester chez soi veut dire rester en votre propre Soi. Et, si vous y demeurez, personne ne vous fera de mal, tout le monde vous aimera.

Rien ne laissait présager que Poonjaji nous quitterait quelques jours après notre arrivée. Il attrapa une bronchite et lorsque ses poumons s'engorgèrent et qu'il n'arrivait plus à expectorer, il fut emmené à l'hôpital et fut mis sous respiration artificielle. Il semblait prêt à partir car lorsqu'il revint à lui, il refusa la continuation du traitement. Les médecins le gardèrent encore quelques jours sous traitement. Peu de temps avant de mourir, malgré un corps terriblement affaibli par la maladie et les médicaments il se souleva de son lit et dit avec une force surprenante : " Où est Bouddha ?, où est Bouddha ? Amenez-le ! Amenez-le ! " Son entourage ne savait que répondre, puis finit par comprendre " Vous ne pouvez pas connaître Bouddha " " Assez... " Ses proches disciples ne savaient que faire pour convaincre les médecins de le laisser partir. Il partit "de lui-même" lorsqu'un tube lui administrant des médicaments se boucha à 23h15.
" La peur se manifeste en tant que la mort !
" Je suis ce corps " est la peur fondamentale.
Méditez chaque jour pour enlever cette peur .
Quand la peur vient aimez-la et quand elle part ne vous y accrochez pas. "
Assister à sa crémation rendait encore plus réel le fait que que Poonja n'était pas son corps. Pendant que celui-ci disparaissait, la présence demeurait... La cérémonie d'adieux aux cendres, conduite par le fils de Poonjaji eu lieu le surlendemain. Chacun fut ensuite invité a en prendre une poignée avant que le reste ne soit offert au Gange à Haridwar le jour suivant. Il n'y a pas de différence entre le maître et le Soi, celui-ci est présent à jamais dans le coeur de chacun et nous guide dans nos vies de tous les jours. La pensée du maître nous ramène au Soi.

Q : Que se passe-t-il lorsqu'un être réalisé quitte son corps ?

P : Il n'existe pas de personne réalisée, car c'est seulement lorsqu'il n'y a pas de personne que le Soi peut être réalisé. Quand il n'y a pas de personne, il n'est question ni de venir ni de partir ! La personne n'est qu'une apparence temporaire dans le Soi immuable.

[1] - En Inde on ajoute au nom d'une personne "ji" en signe d'affection et de respect. Papa ou Papaji est un surnom qui fut donné à Poonja par ses disciples au début des années 90.
[2] - Communautés religieuses de l'Inde
[3] - Sadhana: pratique spirituelle ou exercice
[4] - Chello: aurevoir, allons-nous en, allez-vous en

Citations de Poonja tirées du livre, "The Truth Is", de sa biographie, "Nothing Ever Happened", d'entretiens récents, et de l'ouvrage aux Editions InnerQuest "A la Source de l'Etre".