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Tantra Hommes - SkyDancing® Tantra
Interview de Pierre Darroux et Johann Azuelos
Les hommes sont souvent éduqués à ne pas montrer leur vulnérabilité, leur sensibilité (même si cela commence à changer). Ils sont souvent peu enclins à parler d’eux, pourquoi cela peut être bénéfique de se retrouver dans un stage entre hommes ?
En fait, il n’y a rien de bien nouveau, depuis toujours, les hommes se sont réunis pour partager, parfois de belles choses, parfois des épreuves. C’est donc assez naturel de se retrouver entre hommes pour partager des moments, des expériences. C’est vrai que l’époque actuelle, avec sa tendance à jouer pour soi et sa pression compétitive ne paraît pas très propice. Or dans nos groupes, il n’y a pas trop de compétition possible et le collectif apparaît vite comme une belle ressource. Nous constatons à chaque fois que même si les hommes ont parfois un peu peur de se retrouver entre eux, dès le début, il y a une sorte de magie qui opère. La fraternité naturelle œuvre avec douceur et permet à chacun de respirer, de s’ouvrir, d’explorer des espaces nouveaux de clarification et de paix. Chacun se sent fondamentalement accueilli, pour ce qu’il est. Du coup, les échanges sont simples et sincères. C’est plus facile de se montrer, de se trouver. Nos pratiques invitent largement le corps à s’exprimer. C’est différent de la parole. Avec la confiance, le corps peut se dévoiler plus simplement. La sensibilité, la vulnérabilité trouvent naturellement leur place comme des aspects de nous qu’il n’est pas nécessaire de cacher. L’expression et le partage authentique de chacun devient une ressource qui permet d’être en lien avec soi et les autres depuis un espace où l’on se sent très vivant, apaisé et disponible.
C'est bien connu, les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus, quelles sont les difficultés ou blocages que vous observez pour les hommes ?
Disons que ce genre de poncifs est peut-être le premier obstacle. La plupart des obstacles majeurs sont les mêmes chez les hommes et chez les femmes : orgueil, volonté de gagner quelque chose pour soi, reproduction des schémas habituels. Après il est clair que pour beaucoup de participants, c’est le lien à leur propre corps qui est le point le plus important. Tant de choses invitent les hommes à se couper de leurs sensations corporelles. Mais nous ne travaillons pas trop avec la notion d’obstacle. Dans notre approche, il n’y a rien à rejeter… les « obstacles », comme tout ce qui nous résiste, contiennent des messages pour nous. Si je les rejette, si je les cache, je perds l’occasion de comprendre ce qui se passe pour moi, en moi. Tout ce qui se présente nous intéresse. En quelque sorte, tout est considéré, assez librement, comme ressource. Du coup nous sommes plutôt occupés à repérer et déployer la ressource en toute chose. C’est plus simple, en fait, et très efficace au quotidien.
Vous co animez ensemble les stages SkyHommes du SkyDancing®Tantra, quelles sont les grandes lignes de ce programme ?
SkyHommes est une immersion d’une semaine entre hommes qui invite à la paix intérieure et la liberté. Il y a une grande joie à mener notre existence d’homme dès lors que les rivalités disparaissent, en apprenant notamment à vivre sans asservir nos possibilités corporelles, psychiques et spirituelles. Tout ce que nous traversons durant cette semaine s’appuie sur des expériences, en liens avec nos sensations et ressentis, et déprogramme de nombreuses limitations et idées préconçues. Notre proposition est une voie du corps. Il s’agit notamment de clarifier la façon avec laquelle nous pouvons épanouir et célébrer notre vitalité d’homme. Ceci en trouvant les ressources de vie en soi, en ouvrant notre potentiel d’homme libre, en trouvant notre voie d’être, dans la paix du cœur. Tant que tout cela n’est pas vécu ou traversé cela reste un concept. SkyHommes est un rendez-vous à la saveur unique où chacun peut apprendre à régler avec minutie, précision et soin, l’horlogerie interne de sa vie d’homme.
Le SkyHommes forme un tout cohérent avec le stage La Grande Union du 12 au 19 septembre 2025 au Hameau de l'Etoile près de Montpellier animé par Bodhi Sambhava & Pierre Darroux. En quoi consiste La Grande Union ?
Oui, les deux propositions forment un tout cohérent. La Grande Union pointe vers un beau rituel de rencontre. On apprend d’abord à être avec les mêmes, puis on apprend à être avec les différents, c’est-à-dire l’autre sexe, et du coup on apprend à être avec soi-même. C’est de cela dont on parle, c’est-à-dire de notre autonomie au sens large. Les vies humaines sont des vies de rencontre, mais on n’apprend pas à se préparer à la rencontre, eh bien à La Grande Union c’est ce que l’on fait : pendant 5 jours on se prépare. Les hommes qui nous suivent trouvent cela absolument précieux.
Il faut préciser que nous abordons ce travail dans un programme hommes/femmes mais dans notre vision, ce n’est pas un projet essentiellement genré. En aucun cas, dans notre esprit, il ne s’agit de renforcer les genres. Ça, la société s’en charge. Le fait de venir en tant qu’homme ou femme est juste une porte d’entrée pour tous ceux qui ressentent le besoin d’éclaircir, de tranquilliser quelque chose à ce sujet. Nous célébrons les femmes et les hommes avec la même intensité. C’est un parcours initiatique qui, en fait, s’intéresse à l’Être, bien au-delà des sexes, bien au-delà des genres.
Quelles sont pour vous les qualités de l'homme tantrique d'aujourd'hui ?
Il n’y a pas vraiment de qualité particulière. Il suffit de connaître et célébrer l’être que chacun est, de se reconnaître soi, dans toutes nos dimensions. Si l’on prédétermine des qualités qui seraient attendues, préférées, on ne peut accueillir chaque homme pour ce qu’il est. Cela invite à une sorte de conformité qui, pour le coup, n’est pas trop « tantrique ». Chez les pratiquants du tantra, il devrait y avoir milles qualités différentes, spéciales, inattendues. Après, il est vrai qu’à un moment, lorsque l’engagement est assez poussé, le pratiquant se confond avec la pratique. De cela émane une certaine présence, la reconnaissance intime de ce grand mouvement qu’est la vie, une tendance à remercier, à célébrer le vivant. La vraie qualité, c’est d’être vivant. Or, nous le sommes déjà, non ?
Je vois souvent les femmes dans le milieu spirituel être très "copines" ou comme des "sœurs", qu'est-ce qui peut nous aider nous les hommes à nourrir la fraternité et la complicité entre hommes ? A part le Football ? Ou même la Guerre ?
Eh bien il faut venir goûter à la douceur des groupes d’hommes que nous proposons ! En fait, l’ordre social n’est pas très propice à la fraternité naturelle des hommes. La fraternité, l’amitié sincère entre les hommes, pour nous, n’est plus un concept social. C’est quelque chose de sensible, chaud, doux et fort à la fois. Quelque chose qui est naturel aux hommes pour peu ils se trouvent dans un environnement propice. C’est l’essence de nos stages.
Parfois, l'homme semble si centré dans le 1er chakra, le désir sexuel est fort, comment peut-il dépasser ou maîtriser ses pulsions et toute cette mécanique biologique plus ou moins inconsciente ?
Le désir sexuel est une expression du désir de vie, de l’élan de vie donc de la vie elle-même. Cela vaut pour les hommes comme pour les femmes. Peut-être que cela ne s’exprime pas toujours de la même manière. Mais il n’y a rien à dépasser, rien à contrôler. À partir du moment où la sexualité est un enjeu social chargé d’interdits, de jugements, de tabous, il ne faut pas trop s’étonner qu’il y ait des déviances dans les comportements. Chez l’homme, le premier chakra est plutôt émissif pour les besoins du grand planning universel de reproduction. Il faut que les spermatozoïdes changent de camp. Et, tous les hommes le savent dans leur chair, cela n’est pas toujours un truc « intelligent » au sens social du mot. Dans de nombreux cas, les hommes se coupent de cette pulsion et ce n’est pas une bonne idée… C’est un travail long et subtil qui conduit l’homme à reconnaître cette pulsion dans tous ces aspects, à la célébrer, à la vivre avec conscience, considération et discernement... L’ensemble de ce que nous transmettons incite à apprendre à faire circuler cette belle énergie, à rayonner de cet élan vital, à investir cela dans un mode de vie créatif, ouvert, vivant. Nous apprenons donc à respecter ce désir tout en respectant les autres, à vibrer de cette présence désirante simplement, à l’offrir au monde avec conscience et compassion.
L'homme semble souvent avoir plus besoin d'être en couple que la femme mais parfois de ne plus "en être capable" ou "à la hauteur", est-ce que vous observez aussi ce phénomène et si oui, comment l'expliquez-vous ?
Non ce phénomène ne nous apparaît pas vraiment. Ce qui est certain, c’est que la notion, l’idéal de vie en couple ne porte plus vraiment de sens. De notre côté, nous dirigeons notre attention sur la relation et sur le fait de se préparer à la rencontre. S’il s’agit d’être à la hauteur, le mobile est une compétition ou une performance ; s’il s’agit d’être capable, le mobile est un jugement de valeur. Dans un cas comme dans l’autre c’est une entreprise perdante. Tout notre travail consiste à se connaître assez profondément, sincèrement, pour aborder la relation sans se servir de l’autre comme miroir ou comme juge de notre « capacité d’homme ». Tout notre travail consiste à apprendre à être soi. C’est cela que l’on peut offrir à une ou un partenaire dans la relation, ni plus ni moins.
Il me semble que le monde du Tantra a été très influencé par des femmes leaders, des enseignantes/animatrices charismatiques ou parfois par des hommes qui ont beaucoup de valeurs féminines mais que du coup, ce qui est vu comme une "vérité" est parfois une vision féminine et pourtant les valeurs masculines ont autant d'importance que les valeurs féminines ? Est-ce que vous voyez ce dont je veux parler ?
Oui, cela est un peu vrai, nous avons d’ailleurs été nous-même initiés et « éduqués » par certaines de ces femmes. Cependant, le Tantra est au-delà du féminin et du masculin. Le Tantra n’est pas social. Il est personnel et spirituel. Il s’intéresse à l’Être et à la vie. Et ce que tu nommes n’est peut-être qu’un reflet, une conséquence d’une société par trop déséquilibrée sur la place qu’elle laisse aux hommes et aux femmes. Dans notre approche, il n’y a pas de valeurs féminines ou masculines. Par exemple la douceur, la force peuvent être des ressources pour les hommes et les femmes indifféremment et ensemble. La sensibilité des hommes n’est pas une valeur féminine investie par des hommes. La sensibilité des hommes est une ressource en soi.
Johann Azuelos, tu animes aussi des stages Revenir sur la terre des Hommes, la prochaine édition aura lieu du 3 au 5 octobre 2025 près de Aix en Provence. Pourquoi ce titre?
Ici, j’entends redonner les lettres de noblesse à une "terre des hommes" libérée des carcans sociaux autour de la notion d’homme ou de femme. Un endroit où les rivalités disparaissent, où les enjeux de performance, de compétition, de comparaison n’ont plus lieu d’être. Ces enjeux alimentent les jugements et nous rendent malheureux, hommes et femmes d’ailleurs. Dans nos stages, la différence n’est pas soumise à évaluation, la différence est une source de diversité, et la diversité est une richesse. À partir de là, chaque être contribue à enrichir le monde qui nous accueille par sa singularité. On comprend donc ici que nous n’avons pas de modèle d’homme et que le point de départ d’une vie souveraine et harmonieuse débute par une voie de pacification en soi, de curiosité et d’ouverture aux autres et au monde. Il y a aussi l’idée d’un retour à la source, une ressource qui se trouve en chacun de nous et qui pourrait jouer le rôle de boussole éclairante pour rayonner qui nous sommes vraiment.
C'est quoi pour vous incarner sa puissance d’homme ? Une sorte de "guerrier pacifique" ?
Voilà un beau fantasme qui arrose largement la société et le monde du développement personnel. Il y a une confusion à propos du fait que lorsque nous sommes pleinement dans notre corps, dans notre énergie, il se produit une forme de présence dont l’impact sur les situations et sur les autres n’est pas négligeable. Mais la véritable présence n’a pas d’intention d’être puissant ou impuissant. Parfois c’est même en reconnaissant sincèrement son impuissance que l’on permet de changer les choses, de faire avancer le monde et les relations. Nous travaillons plus simplement sur la possibilité que chacun puisse être l’homme qu’il est véritablement, simplement. Dans cette vérité, nous disposons d’un grand pouvoir. Celui que la vie nous a donné, à la naissance et continue de nous offrir, dans chaque instant. Alors, il n’y a plus rien à incarner, plus rien à prouver. Nous rayonnons simplement d’être vivant, sans ambition ni prétention aucune. On peut toucher des choses qui sont bien au-delà du fait d’être un homme : la paix, la joie sans raison, le courage de faire ce qui est juste.
SkyHommes avec Pierre Darroux & Johann Azuelos
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Interview réalisée par Emmanuel Moulin pour Meditationfrance