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L’expérience de l’immortalité

Ramesh S. Balsekar

par Ramesh S. Balsekar

Dans ce livre (Editions Accarias L'Originel), Ramesh Balsekar nous présente l’œuvre majeure, l’Anubhavamrita, d’un jeune sage Indien non-dualiste du treizième siècle, Jnaneshwar (1275-1296). Déjà le texte en lui-même, à la fois poétique et philosophique, serait assurément une formidable source d’inspiration mais les commentaires de Balsekar, éclairés par l’enseignement de Nisargadatta Maharaj, nous permettent une percée plus précise dans la compréhension même de ce qu’est une approche réellement non-duelle, et de ses implications dans notre vie quotidienne.

Le sujet du livre est que la dualité entre l’Absolu non-manifesté et la manifestation de l’univers est illusoire et n’existe pas réellement. Jnaneshwar et Ramesh affirment que c’est uniquement lorsque l’identification à l’entité individuelle est totalement abandonnée que nous demeurons tel que nous sommes vraiment.

Ramesh Balsekar nous offre ici l’opportunité de goûter en sa compagnie l’essence même de l’expérience de l’immortalité, ICI ET MAINTENANT. A défaut d’en faire l’expérience, le lecteur attentif, qui accepte de laisser de côté tout ce qu’il sait ou croit savoir, se retrouve dans une ouverture, une disponibilité, où le pressentiment de CE QUI EST prend le relais.

Ramesh nous le rappelle : CE QUI EST est toujours là, tellement simple, qu’il suffit de cesser de conceptualiser, d’imaginer, de fantasmer, pour que cela saute aux yeux. Nous sommes d’ores et déjà ce que nous cherchons, la liberté, la quiétude. Nisargadatta, Balsekar, nous invitent ici à simplement ÊTRE.

Extraits
Dans le quatrième chapitre, intitulé « Vacuité et Plénitude », est formé de 43 versets.

Jnaneshwar plonge au cœur de la matière. Il se réfère à l’éveil de la conscience, JE SUIS, dans l’état originel de plénitude de pure potentialité, lorsque la conscience n’était pas consciente d’elle-même. C’est seulement quand le sentiment de Présence, JE SUIS, émerge dans l’état originel d’unicité, que simultanément, la conscience entre en mouvement et produit elle-même la totalité de la manifestation. Le mouvement de la conscience produit également simultanément les concepts de connaissance (JE SUIS, sentiment de présence impersonnelle) et d’ignorance (quand la conscience ou présence impersonnelle s’identifie à chaque être vivant en tant qu’entité séparée). L’unicité du potentiel de la plénitude (le sujet JE) se scinde dans le processus de la manifestation en tant que sujet et objet, chaque objet se considérant lui-même comme le pseudo-sujet-observateur vis-à-vis de tous les autres objets observés. Cela même est la « servitude » conceptuelle de l’individu, et la libération consiste en la réalisation que notre véritable nature est la conscience impersonnelle et non pas le dispositif psychosomatique auquel la conscience s’est identifiée. Lorsqu’une telle réalisation (métanoïa ou para-vritti) survient, le pseudo-sujet cesse d’être un objet et devient vide, grâce à la superposition réciproque des opposés (sujet/objet), et, à travers ce vide ou cette vacuité, il retourne au sujet-Je originel, le potentiel de plénitude. Jnaneshwar explique que l’Absolu-Noumène-Plénitude ne peut être un objet pour soi, ni pour quiconque, et que c’est précisément la raison de son existence ou êtreté. C’est le substrat, l’éternel sujet-Je, qui se manifeste objectivement en s’étendant dans l’espace-temps conceptuel, au point de devenir perceptible sous la forme d’objets phénoménaux. Cette potentialité totale, le sujet-Je, ne peut s’offrir à la compréhension, parce qu’elle deviendrait alors un objet. L’œil peut voir toute chose, mais il ne peut se voir lui-même ! (…)

livre de R.S. Balsekar

Le chapitre cinq, intitulé « Sat-Chit-Ananda », comporte 68 versets.

Ici, Jnaneshwar explique la véritable signification de l’expression fréquemment répétée des trois attributs de l’Absolu selon la Philosophie Hindoue. Dans le premier verset, il nous dit que Sat (l’Être), Chit (la conscience) et Ananda (la félicité) sont les trois attributs du Brahman tels que décrits dans les Védas, mais qu’ils ne doivent pas être considérés séparément, parce que même dans leur intégralité, ils n’affectent pas le Brahman, tout comme la nature toxique du poison n’affecte pas le poison même. « L’êtreté » et la « conscience » finissent par disparaître dans l’ultime FELICITE, et elles n’existent pas de manière indépendante. En fait, comme il n’y a personne pour faire l’expérience de l’ultime « félicité », l’êtreté et la conscience ne peuvent exister de manière indépendante dans l’état absolu, où il ne peut y avoir la moindre condition perceptible par les sens. Jnaneshwar explique ensuite que la « félicité » dans cet état absolu (qui transcende la triade de l’expérimentateur, la « félicité » expérimentée, et l’expérience même) annihile les deux autres aspects et rend par là-même inutile l’emploi de ces mots, Sat et Chit. Jnaneshwar semble suggérer que relativement parlant, l’expression « Sat-Chit-Ananda » pourrait conceptualiser que dans le « Sat » la conscience est au repos, le « Chit » émerge spontanément (le mouvement JE SUIS avec l’univers manifesté), et la réalisation de l’identité fondamentale des deux (le non-manifesté et l’univers manifesté) culmine en FELICITE. La réalisation que la phénoménalité est simplement l’objectivation du Noumène, et non pas quelque chose de distinct, rompt la séparation de la dualité entre « moi » et « l’autre », et cela produit la Béatitude, la Félicité. Ensuite, Jnaneshwar s’interroge : « Lorsque toute conceptualisation cesse, que reste-t-il ? » Ce qui reste est clairement « rien » parce que c’est une absence phénoménale, mais du point de vue du Noumène, ce néant est fortement présent en tant que présence absolue, plénitude potentielle, indescriptible FELICITE. (…)

Le neuvième chapitre, intitulé « L’état de réalisation du Soi », est composé de 69 versets.

Dans ce chapitre, Jnaneshwar décrit l’expérience unicitive de la réalisation du Soi, en disant dès le début que le réjoui et l’objet du réjouissement, que celui qui voit et ce qui est vu, ont fusionné dans la réalisation mystique de l’unicité, comme si le parfum était devenu le nez de façon à pouvoir se sentir lui-même, ou le son l’oreille pour pouvoir s’écouter elle-même. Toute perception demeure un pur miroir, sans réaction ni interprétation. Il y a juste vue, audition, gustation, toucher, etc., sans la moindre interférence objective de quelqu’un pour voir, entendre, goûter, toucher, etc. Dans l’état de réalisation du Soi, nous dit Jnaneshwar, les sens fonctionnent selon leur nature propre, et ils répondent aux objets qui les sollicitent, mais sans qu’il y ait séparation entre celui qui fait l’expérience et l’expérience même, de même que quand on se voit dans le miroir, on a conscience que l’image dans le miroir n’est pas différente du visage. Donc, il exprime l’idée qu’une personne ordinaire s’identifie à l’objet qui fait l’expérience (qu’elle soit agréable ou pénible), mais que la personne réalisée devient l’expérience. Plus loin, Jnaneshwar déclare que dans l’état de réalisation du Jnani, il n’y a aucune place pour le Yoga à huit branches, qui semble alors aussi terne que la lune en plein jour. Le comportement habituel et normal du Jnani réalisé est seulement apparent, parce que toutes ses actions se produisent spontanément, et parce que dans le processus du fonctionnement apparemment normal des sens, la relation sujet-objet n’existe pas. Alors, insiste Jnaneshwar, quelle que soit l’action qui se produise, elle est sa discipline, et son mode de vie insouciant et sans contrôle est son Samadhi. Le fidèle et Dieu deviennent un, le chemin devient la destination, et l’univers entier devient un endroit tranquille et un sanctuaire. Dans un débordement de ferveur poétique, Jnaneshwar dit que même dans cet état de réalisation d’unicité, si le désir de dualité se manifeste pour savourer la relation maitre-disciple, c’est la conscience (Dieu) qui établit une telle relation entre deux êtres sensibles appropriés, et qui crée et savoure les diverses manifestations effectives sous cette forme d’amour et d’extase en lesquels il n’y a rien d’autre que conscience. De telles manifestations phénoménales, affirme-t-il, doivent être considérées comme fondamentalement nouménales par nature, tout comme dans un grand bloc rocheux on peut sculpter un temple, l’image de Dieu et l’image des fidèles. Pour finir, Jnaneshwar conclut ce chapitre en un éclat spontané : « Ô ! Mon Seigneur Guru, dans quel état m’as-tu mené, en lequel je suis à la fois le donneur et le receveur, à la fois le donné et le reçu », et encore « Effectivement, mon bien-aimé Guru, seul t’est vraiment cher celui qui, ayant abandonné toute différence entre le « soi » et « l’autre », devient un avec toi ».

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