meditationfrance, méditation, tantra, connaissance de soi
Les archives de Meditationfrance

La Pleine Conscience et l’Hypnose

Anathé et Gabriel Oko

par Marc Scialom

Marc Scialom enseigne la méditation de pleine conscience depuis 1981 (cycles et séminaires).
Il reçoit des personnes, couples et des familles en psychothérapie dans laquelle il pratique l’hypnose (François Roustang est sa source d’inspiration principale).
Il forme des personnes à la relation d’aide (Hypnose, PNL, Analyse Systémique) dans une intention de pont entre la méditation et la psychothérapie.
II enseigne le Tai Chi, le Chant Harmonique.
La possibilité d’une synthèse entre l’Orient et l’Occident a été la trame de mon chemin de vie.

L’hypnose existe depuis la nuit des temps, avant même que le mot hypnose existe (transe, chamanisme, samadhi, satori, rêve éveillé, intuition, communion.
Contrairement à l’hypnose de spectacle, le thérapeute n’induit pas pour son patient un état de passivité.
C’est tout le contraire : dans l’état de lucidité qui caractérise l’hypnose ou la veille paradoxale (comme en parle Roustang), nous faisons retour au-delà des répétitions au pouvoir de rêver, à ce centre qui nous caractérise et nous différencie, à ce qui nous est de plus particulier, et de plus propre.
L’hypnose de spectacle est une perversion puisqu’elle nie la relation précieuse d’inconscient à inconscient et vis-à-vis de laquelle le thérapeute est dans une posture d’humilité.
Une imposture aussi car l’hypnotiseur prend la place du Soi ou de l’âme.
C’est malheureusement ce type d’hypnose qui la plus connue et qui fait le plus d’audimat…
Société du spectacle…
Le psychothérapeute offre un espace pour que l’âme, le « spiritus rector » puisse se responsabiliser par rapport à l’intégration de la personnalité.

François Roustang : « Nous passons de l’antériorité (loi de cause à effet) à la potentialité (pouvoir du moment présent). Dans le moment présent nous pouvons modeler à nouveau l’histoire. Former, informer, réformer nos vies. »
L’hypnose peut représenter un saut quantique en dehors de notre histoire. Elle nous met en relation avec l’intelligence et le mouvement de la vie
L’hypnose se caractérise par l’éveil du pouvoir de rêver.
Celui-ci n’est pas dans l’histoire mais le moteur de l’histoire, « réservoir des possibles » (Milton Erickson), il permet l’accès à la matrice de la pensée et de l’action.

Le processus de la veille paradoxale ou transe hypnotique se caractérise par quatre étapes :

1- Arrêt de la perception ordinaire à fixation de l’attention sur le souffle, le corps, un objet ordinaire
2- Suspension des jugements, des attentes, des conditionnements, Disponibilité. (Vous êtes ici pour rien, même pas pour essayer d’aller mieux, être simplement disponible à ce qui est là)
3- Imagination, nouvelles possibilités, accès à la potentialité, au pouvoir du moment présent.
4- Incarner, rendre manifeste le potentiel qui a été conçu
Concernant cette quatrième étape, il essentiel de réaliser que la thérapie permet des prises de conscience mais invite à poser des actes fondateurs à vivre expériences de références qui vont refondre notre identité.

Exemple de travail thérapeutique où un pont entre hypnose et pleine conscience a été utile :

Agnès : envoyé par son médecin traitant. Elle se dit hypocondriaque depuis 20 ans
Une approche thérapeutique basée sur la mindfulness ne met pas l’accent sur le contenu des causes de l’hypocondrie mais propose la volonté, la curiosité d’expérimenter l’hypocondrie comme un phénomène qui apparaît, se déploie et éventuellement se résorbe dans l’espace de la conscience, de la présence.
L’Hypnose comme la mindfulness sont des approches phénoménologiques.
Nous explorons d’abord le phénomène que l’on appelle hypocondrie

A- le chemin de l’hypocondrie est un phénomène, un processus et non une chose ayant une réalité en elle-même (je suis hypocondriaque, ce patient est hypocondriaque)
Dimension cognitive : pensées des maladies (images, pensées, images de certaines parties du corps, dialogues internes sur des maladies que Marie fait à partir de ses recherches sur Wikipedia…
Dimension émotionnelle : lien avec les parents décédés de maladies, sentiment de tristesse lié à leur souffrance et leur décès. L’exploration de la dimension émotionnelle met au jour une forme de loyauté invisible, une sécurité (illusoire) dans l’appartenance à une famille
Dimension sensorielle : (boule dans le ventre, respiration haute et rapide, gorge serrée…). Tensions corporelles où Marie imagine certaines pathologies

B- le chemin du balayage corporel : pour Marie, souvent des sensations de fluidité, de régénération par le souffle et où elle fait l’expérience de sentiments de bienveillance vis-à-vis des organes, des fonctions corporelles, des cellules

C- Je l’accompagne à faire l’expérience d’emprunter ces 2 chemins alternativement et cela plusieurs fois en hypnose

La dimension thérapeutique ne réside pas tant le fait de préférer un chemin à un autre, d’éliminer l’hypocondrie en réduisant le stress par un balayage corporel, que dans l’ouverture d’expérimenter ces deux chemins de manière alternative, jusqu’à l’évidence que ces deux chemins, (impliquant processus cognitifs, émotions, sensations) soit perçus dans une équanimité comme des phénomènes transitoires, éphémères et finalement comme insubstantiels.
Le chemin de l’hypocondrie et celui de la fluidité corporelle n’existent que parce que la conscience est.
La conscience primaire est lucidité sans choix. Une lucidité libre de préférer quoique ce soit.

C’est à partir de cette liberté, que Marie cultive une attitude aimante et reconnaissante envers le phénomène symphonique qu’elle appelle son corps.
Très différent d’une bienveillance mélangée à de la peur : «  je dois être bienveillante vis-à-vis de mon corps sinon je vais tomber malade »
Lors du bilan de la thérapie, Marie dit : « Je n’ai plus peur de mes pensées hypocondriaques, j’ai appris à les contenir. Elles peuvent revenir de temps en temps, et je peux aussi penser à mes parents de manière aimante, dans la gratitude ce qu’ils m’ont transmis. »
« Je peux aussi m’auto-accompagner dans un exercice de balayage corporel non pas tant dans une intention de chasser les pensées hypocondriaques que celle d’apprécier le phénomène vivant, précieux qu’est mon corps. »

Contribution de la Pleine Conscience à la Psychothérapie :

La pratique de la pleine conscience se distingue des approches en psychothérapie en ceci : le thérapeute invite la personne à suspendre toute intentionalité de changer le contenu de l’expérience. Un simple retour à la conscience de l’expérience présente permet de désactiver la force des penchants à la rumination et des préoccupations excessives concernant le futur. (Michel Bitbol)
En d’autres termes, nos blessures, nos espérances nos pensées anxieuses n’ont pas besoin d’être réparées, elles ont juste besoin d’être contenues.
La pratique de la psychothérapie basée sur la mindfulness, se simplifie.
Elle est le partage d’une intensité de présence.
La psychothérapie basée sur la pleine conscience nécessite la mise au jour du nœud.
Le psychothérapeute valide le vécu tel qu’il se présente dans le moment et en même temps il ne donne à ce nœud qu’une réalité relative.
Il n’y croit pas trop, ne nourrit pas la réalité de ce nœud.
Se tenir au cœur de ce paradoxe (pleine présence à la personne et sa souffrance en même temps sans trop y croire) facilite, le changement, l’ouverture à tous les possibles.
Le mouvement de la vie reprend son cours.

Contribution du processus d’individuation à la pratique de la mindfulness :

Tout ce qui n’est pas vécu en conscience, va devoir être éprouvé par l’expérience. Jung              

Le processus de l’individuation commence lorsque nous tirons grâce au discernement, des leçons de nos expériences de vie. Celui-ci nous permet de ne pas répéter les mêmes erreurs et d’évoluer.

L’individuation nous permet de nous différencier des matrices qui ont un pouvoir conditionnant sur nous. Celles-ci proviennent, d’une part de ce que nous avons conclu pendant ou à la suite de nos expériences de vie (croyances) et d’autre part, de notre identification aux systèmes auxquels nous appartenons (famille, profession, nation, civilisation…) qui eux aussi ont leurs parti-pris sur la réalité.
Lorsque le processus d’individuation n’a pas commencé, l’homme, le plus souvent, ne pense pas par lui-même  mais « est pensé » par la logique de ces systèmes.

La démarche en psychothérapie ou en philosophie, vise à nous affranchir de ces matrices psychiques conditionnantes et de vivre une deuxième naissance, une naissance à nous-mêmes
En naissant à nous-mêmes, nous ne rejetons pas les systèmes auquel nous appartenons mais pouvons participer à l’évolution de ceux-ci.

Comment ce processus d’individuation, cette deuxième naissance va-t-elle influencer la pratique ou la transmission de la méditation ?

1- Par le développement de notre capacité de nous auto-accompagner dans la pratique de la méditation.

2-Par le développement de la créativité de la pratique informelle et non par la conformité à une technique, un norme ou un protocole extérieur aussi cohérent qu’il soit. Nous devenons acteurs de notre pratique.

3-Nous reconnaissons les enseignements comme source d’inspiration mais nous les mettons à l’épreuve de notre discernement et de notre vécu. Nous évitons ainsi le piège de l’emprise des imposteurs spirituels.
Grâce au discernement pouvons être lucide des maladresses inhérentes à la transmission d’un enseignement et avoir notre part de responsabilité par rapport à la sangha ou groupe.
La qualité d’un arbre s’évalue à ses fruits. L’accent est moins mis sur la personne de l’instructeur que sur l’enseignement, le dharma.

4-Eviter le raccourci où les croyances sur la méditation remplace le vécu.

5- Le discernement nous permet de démasquer le piège fréquent du sur-moi spirituel qui fige la pratique.

6- Le processus d’individuation permet aussi le discernement d’être à l’œuvre dans l’évolution de la conscience collective.

7-Qu’est-ce qui dans ma profession, ma manière de gagner ma vie est facteur d’émancipation collective ? Qu’est-ce qui participe (malgré moi) à une logique de la survie d’un système qui met en danger l’humanité et la planète ? (Right Livinghood)

Méditer : une contribution singulière à l’évolution de la conscience collective :

Le mythe d’une croissance indéfinie a un prix : l’épuisement de nos ressources psychiques individuelles d’une part et planétaires d’autre part.

La dynamique de la méditation peut s’apparenter à celle d’une décroissance volontaire, d’une simplicité choisie :
-moins de besoins de stimulations corporelles au bénéfice de l’énergie fluide et tranquille qui régénère,
- moins de besoins de réactiver des émotions appartenant au passé au bénéfice des émotions surgissant du moment présent et nourrissant la relation,
- moins d’agitations mentales au bénéfice du déploiement du discernement et de l’intuition.

Conçue ainsi, la pratique de la méditation représente un acte de résistance politique à un modèle de  société qui accorde plus d’importance à l’apparence qu’à l’être, à la forme plus qu’au fond, à la communication plus qu’au dialogue.

Méditer c’est aussi sortir de la transe collective liée au mythe d’une croissance indéfinie, de l’individualisme et du règne de la quantité.
Méditer c’est réaliser que la vulnérabilité, la finitude de l’homme (et de la planète) est le lieu même de sa dignité.

Marc Scialom : contact@pleineconscienceintegrative.com
www.pleineconscienceintegrative.com