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Quel(s) sens accordons-nous à notre alimentation ?

ariane

par Ariane ROQUES
mangeuse éveillée et auteure du Jeu de cartes « Se nourrir en conscience », aux Editions Le Souffle d’Or.

L’alimentation est au cœur de notre vie. Elle constitue notre base. Il n’est pas question, sous prétexte, de porter un regard attentif à notre alimentation, de laisser s’éteindre notre curiosité et notre gourmandise. Le temps est venu de revisiter et de réinvestir notre plaisir autrement. Nous sommes d’ailleurs naturellement très bien dotés pour cela. Nul besoin de faire appel à de quelconques artifices. Tout est déjà là, à l’intérieur de nous, en simplicité et en justesse.

Et si le secret d’une alimentation harmonieuse résidait dans des choses simples ? Nous venons au monde riche de nos six sens pour toucher, sentir, écouter, goûter, voir et ressentir la vie. Si nous stimulons nos sens innés, ils n’auront de cesse de croître et de s’affiner pour nous offrir une expérience de vie vibrante. Nos sens nous relient au monde. Ils nous renseignent sur notre environnement. Ils nous ouvrent à un champ de perceptions infinies. Ils sont pourvoyeurs de vie nous protégeant et nous informant des dangers, mais aussi nous procurant du plaisir.

Nos sens (à l’exception de la vue) se manifestent in utéro.
Comme une valse bien menée : le premier à entrer dans la danse est le toucher, suivi de l’odorat puis de l’ouïe. Ensuite, apparaissent les « bourgeons gustatifs » que sont les récepteurs gustatifs et les papilles pour devenir le goût. L’instinct, réflexe de survie ancestral, est déjà présent et permet au fœtus de reconnaître les saveurs « toxiques ». En effet, les saveurs amères ont souvent été associées dans notre évolution à des substances toxiques comme les champignons ou les baies.

Leur rôle est essentiel car se sont par nos sens que nous sommes présents à nous-mêmes et à notre environnement, dans l’ici et maintenant. Pourtant, nous avons tendance à les sous-estimer, voire à les oublier, traversant la vie sans regarder vraiment, sans respirer pleinement, sans savourer intensément, sans contacter sa peau, sans écouter la mélodie de la vie et sans accueillir nos ressentis.

jeu de cartes

Nos sens sont pleinement impliqués dans notre relation à la nourriture. Ils nous informent de la comestibilité des aliments et nous offrent du plaisir. Pour cela, il est nécessaire de les stimuler : observer, sentir, toucher, écouter et ressentir avant de goûter. Nos modes de vie souvent basés sur la performance et la compétitivité nous poussent à tord à limiter l’usage de nos sens à celui de la vue (si c’est beau, alors ça doit être bon !) et au goût (je goûte et je verrais bien si c’est bon !). Les autres sens comme l’odorat, le toucher, l’ouïe et l’intuition sont mis en veille et s’endorment parfois très profondément. On en vient à perdre le sens de nos sens. Aujourd’hui, nous pouvons les ré-activer pour découvrir « l’alimentation sensorielle » ! L’alimentation sensorielle, c’est très simple et emprunt de bon sens. Si lorsque je me nourris, je décidais d’activer tous mes sens pour bénéficier de toute la richesse qu’ils m’offrent ? Si je décidais maintenant de contacter mes sens et mes ressentis, que se passerait-il alors ? Il y a des aliments que je ne consommerais pas, parce que je sentirais qu’ils ne sont pas bons pour moi. A l’inverse, je mangerais plus de certains aliments. Je sentirais vibrer tous les récepteurs de mon corps éveillé !

Au fil du temps, nos sens ont cédé leur place au profit du sens des conventions, nous mettant ainsi à distance de nos compagnons les plus fiables et fidèles, appauvrissant nos sensations, nos perceptions et notre vocabulaire. Notre éducation, la meilleure que nos parents ont souhaitée nous offrir, a conditionné nos comportements. N’avez-vous jamais entendu dire qu’il n’était pas poli de porter la nourriture à son nez pour la sentir (surtout en présence d’invités) ; qu’on ne mange pas avec les doigts, parce que c’est sale et impoli et, que ce comportement n’est pas adaptée à notre société (J’évoque ici notre culture européenne). C’est ainsi que de nombreux parents crient victoire très tôt parce que leurs tous petits mangent déjà avec des couverts. Et voilà comment le toucher se colore d’interdit… qu’il s’agisse de nourriture, de contact, il devient cet interdit qui s’affiche dans les boutiques alors que ces mêmes magasins exposent des objets qui stimulent nos sens et invitent à la caresse. Dans notre société, nos mains sont réservées à la malbouffe. On mange sur le pouce, avec les doigts des sandwichs et autres plats conçus pour être engloutis, bouffés. Notre odorat est leurré par les sprays appétant diffusés dans certains commerces de bouche. Le visuel prime sur la qualité des aliments. On mange en musique dans des ambiances qui parasitent nos sens. Nous avalons, parfois sans mâcher, et à d’autres moment sans contacter le goût, on s’interroge sur les saveurs qui composaient notre assiette déjà vide.

Les sens dirigent notre attention sur l’ici et maintenant. C’est un moyen simple d’investir l’instant présent. Il suffit de contacter ses sens un à un. En cet instant, notre mental s’absente pour laisser place à l’expérience. C’est l’expérience de la pleine conscience. Soyons à la fête en présence de nos sens. Le temps d’un repas au moins : touchez les aliments, évaluez leur poids, leur température, sentez les sensations sous vos doigts. Par cette attention, vous informez votre corps sur la qualité et la quantité d’aliments qu’il va recevoir. Vous êtes en train de démarrer votre digestion. Portez à votre nez les aliments pour humer avec profondeur leurs senteurs, leur odeurs. Accueillez les souvenirs, les associations, les émotions le cas échéant. Notre sens de l’olfaction est relié au cerveau limbique, siège de nos émotions. Portez à vos oreilles et écoutez le son des aliments, affinez vos perceptions, en secouant légèrement, en pressant avec douceur pour écouter les variations. Mettez les aliments sous la lumière, observez les zones de contrastes, les couleurs… Avant de goûter, fermez les yeux riches de tous ces ressentis et accueillez toutes les sensations qui se présentent en cet instant. Contactez votre intuition : certains aliments vous attirent-ils davantage ? A l’inverse, certains ne vous tentent –ils pas ? Faîtes le choix de ne manger que les aliments dont vous avez besoin. Prenez la décision de manger les aliments qui vous attirent et de réserver ceux qui ne vous attirent pas à un autre repas, à une autre expérience. Maintenant, portez à votre bouche. Laissez fondre. Croquez une fois. Laissez la curiosité des goûts de cette bouchée envahir votre bouche et votre corps. Puis, mâchez jusqu’à ôter tout le goût et avalez.

Nos sens nous accompagnent à la découverte du monde. Ils aiment être rassurés par des odeurs, des touchers, des goûts, des paysages ou des visages, des sons que nous connaissons bien. Ils aiment aussi la curiosité et l’aventure. C’est dans ces instants là qu’ils sont les plus stimulés… la nouveauté est un moyen de les activer. Les expériences seront parfois positives et nous chercherons à les reproduire, tandis que d’autres expériences ne seront pas enregistrées comme agréables. La richesse des sens, c’est que cette expérience désagréable au demeurant, si elle est de nouveau retenter, pourra devenir agréable. Expérimentez. Jouez. Vibrez… écoutez-vous.

Ariane ROQUES auteure du Jeu de cartes
« Se nourrir en conscience », aux Editions Le Souffle d’Or.