meditationfrance, méditation, tantra, connaissance de soi
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A l'occasion de la sortie du livre « Journal d'une tantrika,
ou le doux saisissement de l'amour »
(Accarias L'Originel)  

sahaj neel

Nous avons posé quelques questions par internet (email) à son auteure Sahaj Neel

Question Meditationfrance :
Votre ouvrage « Journal d'une tantrika, ou le doux saisissement de l'amour » paru chez Accarias L'Originel retrace votre expérience tantrique (notamment en Inde), c'est une quête de la liberté par l'amour et la sexualité, une recherche de l'émerveillement dans chaque instant. Au départ vous êtes je crois une chercheuse en sciences humaines, qu'est-ce qui vous a amené sur ce chemin mystique ?

(Sahaj Neel cite deux citations tout d'abord)

« Quoiqu'il en fût, l'importance de me dévêtir, de me laisser aimer toujours plus par ce vide, par cet espace vacant pourrais-je dire, devenait de plus en plus clair. Avez-vous déjà essayé d'ôter vos vêtements dans un placard ? Ou bien de déplacer les meubles d'une pièce encombrée, surchargée ?
« Décrivez une maison » proposent les taoïstes. Certains y voient des murs, des fenêtres, des portes, un plancher, des meubles, …d'autres goûtent la présence de son espace intérieur, libre.
Il me semble que l'espace est ce lieu d'où éblouit le sourire, qu'en penses-tu ? » p. 84.

Émerveillement est bien un mot clé. En fait concernant le lien entre ce que l'on pourrait appeler comme vous le suggérez « un chemin mystique » et les sciences humaines est très direct. Il s'agit d'une curiosité tenace concernant l'être humain qui m'a toujours animée et plus fondamentalement ce qui lui permettrait de « retourner à la maison », soit d'être libre d'identifications semblant inutiles. En acceptant de joindre les deux, j'ai pu observer combien il est utile de reconnaitre alors les moyens d'accéder à cette connaissance sans entrer dans des rejets sectaires, car ce qui se passe est au-delà des « écoles ». J'ai commencé le yoga vers 17 ans, époque où j'étais entièrement plongée dans les passions philosophiques et me gorgeais de tout ce que je trouvais à ce propos, je peignais, écrivais de la poésie et je vivais déjà dans une grande proximité avec mes rêves nocturnes. Certains m'enseignaient directement, soit par des présences ressenties, soit par des états de conscience modifiés que je tenais à apprivoiser. Les sciences humaines, notamment la psychologie et la sociologie, sont devenues ce que j'appelle ma carte de visite classique d'une aventurière de l'épopée humaine, ou comme je le compris plus tard : d'une yogi vivant en Occident. N'oublions pas que les sciences humaines proviennent de cette même curiosité, de personnages habités souvent par un feu poussant lui aussi les limites du connaissable. Pour moi, ces deux approches ne se sont jamais opposées, si elles ont créé quelquefois des difficultés au niveau de l'organisation sociale, de la reconnaissance des qualités professionnelles par exemple, cela représentait dès le début un défi choisi portant aussi ses propres stimulations. Il est intéressant de se trouver dans une zone mobile et flexible de la pensée sociale et non dans son centre hiérarchique que les forces souvent égotiques tendent à maintenir, voir à figer. Le « yoga » est aussi un concept… réveillant souvent des croyances limitantes. C'est donc aussi par ce biais que les « voies » peuvent nous libérer, tout dépend de ce qu'on l'on accepte de voir (à creuser !). En d'autres termes, oui, il a fallu parfois jongler entre des principes que les écoles respectives tentaient de tenir à l'écart. Prenons un premier exemple : la notion de dévotion, mal comprise en psychologie occidentale contemporaine. J'ai donc tiré partie de cette « limitation première » pour développer une « troisième voie » et suis devenue précisément une chercheuse développant la manière de percevoir le psychisme et la conscience dans les deux cultures, occidentale et asiatique. Un autre exemple relève d'une richesse linguistique, encore trop souvent laissée à la confusion. Quels sont les mots justes pour parler de ce que l'on pense exister en nous, nous définir même : le mental, le moi, le self/Self… Ils correspondent en sanscrit à un tout autre regard sur nos facultés, raas, manas, jiva, atman et para atman…, creuser ses correspondances ou différences pousse très loin notre investigation. Pour donner un troisième exemple, rappelons-nous que la psychanalyse est bien basée sur les notions de transfert et de contre-transfert. Les relier à la relation « Guru-shisha/disciple » est plus qu'intéressant (cf. notre parution chez L'Harmattan, 2007, Psychanalystes, gurus et chamans en Inde, issue d'un colloque à New Delhi avec Psychiatres du Monde).

Ainsi, pour développer votre question, je me suis aussi forgée avec ce « ce n'est pas toujours confortable », et cela est une base commune aux deux disciplines ! Dans la voie que j'aborde dans le livre, les limites renvoient au Cela, si on les regarde pour ce qu'elles sont, faites de vacuité ! « Là », dans cette zone pouvant aussi s'affranchir de certains concepts et user d'une certaine subversion intellectuelle, j'incarnais aussi une flexibilité me permettant de rencontrer deux sortes de personnes, et cela est passionnant : celles ne sachant pas souvent qu'elles étaient prêtes à s'ouvrir aux champs du yoga et donc de la psychologie transpersonnelle, puis celles qui y naviguaient en consœurs aventurières depuis longtemps (par exemple lors de lectures Maslow, Lowen, ou des contacts humains Jaques Vigne avec lequel je collabore souvent). Encore une fois, la connaissance ne peut pas être enfermée ni dans l'illusion d'une délimitation didactique, ni (même au sein des écoles « spirituelles » !) dans celle de « ceux qui savent parce que plus anciens sur ce chemin » et les « nouveaux ». Car, pour nous, l'énergie qui sous tend et surgit du corps de connaissance est notre véhicule. C'est l'essence de la situation qui nous intéresse, non son cadre, ni ses présupposés. Là aussi, on pourrait dire que si la rencontre n'ouvre pas sur un « inattendu », elle échappe à… la rencontre essentielle. Dans ce domaine, garder « l'œil vierge » est une des plus belles images nourricière de notre voie, elle semble mener à la présence. Toujours dans ce sens, je me suis alors très tôt engagée politiquement, notamment dans la défense des droits humains. L'injustice m'était insupportable et quelque chose en moi ne pouvait concevoir le développement d'un bonheur personnel sans participer à celui des autres visages-miroirs m'environnants. Trouver le nirvana ? Cette quête ne m'a jamais satisfaite, déjà intellectuellement : il « devait y avoir autre chose derrière cela, de plus vaste que la satisfaction d'un moi ». Donc j'avançais dans la rencontre avec l'humain, l'humanité qui se cherche, en étant à l'écoute de ce que cela déclenchait en moi. L'inattendu était à accueillir en moi, de « moi » à moi… si il y avait un moi justement.

Tout serait-il la voie ? Dans quelles conditions se demande l'aventurier des terres secrètes.

L'apprenti avance sur un chemin très intéressant, notamment quand il accepte d'expérimenter avant de s'attacher à s'identifier aux résultats. Cela peut prendre des années car les motivations, les intentions avec lesquelles nous entrons dans les scénarios et progressons dans ce rêve doivent être reconnues, elles sont la clé pour passer d'un registre à l'autre. « Observer » est un maître mot autant dans la voie yogique que dans l'analyse.
Avec le recul, je me rends compte que j'ai toujours laissé beaucoup de place à l'observateur en moi (ou Ajna, drachta). Toujours pour répondre à votre question, cela veut dire que, même en temps que chercheuse en sciences humaines, je suis restée fidèle à ce que je reconnaissais comme ma voie intérieure. J'ai refusé des contrats et donc la sécurité qui en découlait, pour ne pas me mentir. Puis, concernant le cheminement mystique, il a commencé en fait très tôt et d'une certaine façon a préparé mes orientations et engagements sociaux bien avant l'âge adulte. Autrement dit « ma place » dans « l'Ici et le maintenant » ne devait pas être décidée par les autres, ni par des avantages sociaux. Parlons-nous de renoncement ? De choix profonds. La liberté nécessite de l'audace, oui, beaucoup d'audace ! L'éveil à notre nature est aussi une révolution sociale. Les paradigmes relationnels changent du tout au tout ! Qui exploiterait qui ? Autant dans les interactions économiques que dans les relations intimes.

Voilà le lien avec … l'amoureux. Autour de l'âge de quatre ans, je savais déjà que ma relation à l'homme (le masculin) correspondrait au développement le plus secret et le plus profond de mon âme et se développerait au sein de l'intention de retourner vers « l'espace pur ». Très jeune, vers 4 ans aussi, j'avais également des souvenirs d'une vie passée où j'étais très clairement établie en yogi dans une montagne et bénissais les personnes venant m'apporter des offrandes. Cela alors que personne dans mon contexte familial n'avait suggéré de telles images. J'ai rencontré mon premier amoureux à cet âge-là. Un âge où le flux de la vie ne crée aucune dualité au sein des sentiments, il n'y a pas d'un côté le mystique ou le sacré et de l'autre ce qui est moins pur. Tout était déjà lié à cette sorte de force venant d'une rivière profonde de mon intériorité qui poussait vers cet espace lumineux où la conscience pouvait tout observer et résider en paix. Aussi, très tôt, comme beaucoup d'entre nous, j'ai eu des expériences d'expansion de conscience lorsque je m'échappais du village pour me retrouver seule dans la montagne. Bien sûr, je ne pouvais pas identifier ce qui se produisait, mais je reconnaissais par contre que je ne pourrais partager cela avec les autres, que c'était cela la vraie vie, et quelque chose en moi était déjà parti à la recherche de ceux qui comprendraient, partageraient et me permettraient de vivre en pleine lumière.

Cette route commencée avec cette pureté non séparatrice de l'enfance rejoint le saut dans les bras de l'amant cosmique, en d'autres mots, dans l'espace de l'unité.
Donc il y eu d'autres yogis, le Vajrayana ou la voie du diamant ou de l'éclair par exemple et …des scientifiques, pour faire simple ! Rires.

Pouvez-vous nous parler de votre relation, avec cet amant tantrique Shankar dont vous parlez dans le livre ? Est-ce ce un amour physique, « humain » ou un amour divin, spirituel ou les deux à la fois ?

Sahaj Neel cite :

« A mon amant j'ai pu tout dire…. » p.102
«(…) Tes questions, Ô bien-aimée, forment la quintessence des tantras. (…)».Bhairava Vijnana, Stance 7-10, p. 14.

Cet homme existe réellement (rires) ; il est bien constitué d'os et de chair ! C'est cela qui était intéressant. Lui aussi a parcouru un chemin d'ascension, de retour à la source depuis cette « organisme corps-esprit » (comme disait Ramesh Balsekar) et, comme certains autres, il en a accepté à la fois les limites et « la flamme ». Je ne tiens pas à donner plus de détails sur lui notamment socialement. Où vit-il ? Qui ont été ses enseignants ? Etc. En tant qu'écrivain je n'ai pas voulu privilégier ce genre de curiosité mais bien suggérer que ce chemin pouvait être emprunté par tous, et de préférence dans certaines conditions, citées dans Journal d'une tantrika. Puis, que cette rencontre amoureuse ne se passait pas seulement ou pas tant « avec cet autre », qu'à l'intérieur… Tant que ces deux aspects sont perçus comme dissociés bien sûr ! La dernière Porte, le chapitre 8 est bref, mais il relate cet « enlèvement » vers un espace non-duel; il est en fait la véritable origine de ce livre, cet espace où « celle qui tendait vers » a disparu. Le défi était dans la progression de ce livre – dont je ne me rappelle pas l'écriture ! –, de revisiter l'espace « duel », de la rencontre …depuis la perspective non-duelle. C'est assez particulier dans les ouvrages actuels sur cette thématique, un peu une porte enfoncée ! Je sais que certains ne le comprendront pas, ne voudront pas sortir du sentier devenu battu lui aussi des ouvrages quasi pédagogiques sur l'advaita, et ne dépasseront pas les deux premières portes (chapitres). Justement, la volute juste et rendant active l'alchimie de ce livre se passe déjà là, lâcher prise sur la forme de cet ouvrage, de notre rencontre, et se laisser emmener par le récit ! C'est un essai-récit (« techniquement parlant », a stipulé mon si cher éditeur !) célébrant la non-dualité comme le départ et l'aboutissement du tantrisme et/ou le tantrisme intégré comme l'ultime advaita. Les textes si raffinés comme La doctrine secrète de la Déesse Tripura sont très clairs à ce sujet. Les clés, les portes et les ponts présents dans cet ouvrage sont à découvrir à la fois dans le livre et dans sa propre expérience. Comme c'est écrit : la clé de voute rendant l'alchimie vivante dépend de l'attention que le lecteur y portera… elle peut devenir présence, co-présence avec… l'amant. L'amant, c'est ce qui réduit la dualité, « en prenant dans ses bras » le manifesté. Il ne s'agit pas de quantifier cette attention, mais de se détendre et de s'ouvrir à la proposition d'entrer dans cette danse, cette spirale, menant d'un face à face amoureux fait de « chair et d'émotions » à notre ampleur d'amant(e) cosmique. Autant le livre nous guide entre les draps de notre rencontre amoureuse, vers des régions du Tibet, des yoginis vivant dans des grottes indiennes ou de Dakinis en bergère libertaire ; autant ce livre renvoie le lecteur à son courant puissant responsabilisant et donc propulsant. Même si la douceur de la shakti est tangible, on ne s'endort pas !

De longues assises observant ce qui se déroule ont mené jusqu'à ces pages. Car que cherche-t-on vraiment ? Naviguer librement ? Et si librement correspondait à pleinement ? Peut-être puis-je prendre le temps de respirer pleinement et me demander : Suis-je en disposition de recevoir ce qui répond à ce vœux profond ? Ai-je fait le choix, outre l'étape de la demande, de préparer le terrain, le lit de noce ? Ou bien est-ce que je me satisfais de me rassurer dans un lit sur lequel j'ai vaguement tiré de vieux draps rapiécés ?

« L'ignorance tue, très cher, notre liberté, car la liberté est le corps de la connaissance de ce que nous sommes fondamentalement. C'est pour cela qu'elle déshabille. » p. 125.

Comment voyez-vous la difficulté de la femme qui semble parfois plus intéressée par l'amour d'un homme que par l'amour du Divin ? Est-ce que le tantra vous a permis de transcender cette dualité ?

C'est une bonne question. En effet, ce livre débute dans une situation qui peut paraître celle d'une femme banale désirant rencontrer un partenaire à la fois amoureux et sexuel, c'est pour cela que l'endroit où se déroule la rencontre est laissé à l'imagination de chacun, il peut être à la fois placé en Inde ou bien dans une ville occidentale. Encore une fois, cette ouvrage-voie part du récit d'une attitude (presque plus que de personnages au sens premier du terme) permettant de se poser devant un fait précis : je suis car je ressens et c'est cela que je veux transformer en une voie de libération, en « un ici et maintenant » éternel. Je ne veux pas rester prisonnière de vieux programmes limitant mes relations, ma capacité à vibrer avec la vie même. Aimer renverrai à cette révolution intérieure : jusqu'où ? Donc qui aime ? Et peut-on cesser ce questionnement avant la réalisation : je ne veux pas vivre dans la croyance d'une séparation d'avec les qualités de ma nature fondamentale, saine, libre et joyeuse. C'est à elle que je décide d'être fidèle. S'engage alors un chemin fait de ce questionnement sur la réalité de notre séparation entre personnes, entre parties du monde. L'axe fondamental de toute la voie se concentre ici, dans cette fraction de seconde de rencontre avec soi-même, l'acceptation maximum de ce que je suis dans cette expérience avant de chercher à s'en échapper. Je le dis dans la passerelle trois : oubliez tout ce que je viens de dire, le Tantra n'a rien à voir avec la sexualité ou des techniques. La phrase « clé de voute » est vraiment importante dans l'ouvrage. Lalita Dévi énonce bien « Avant de lâcher prise, comme tout le monde veut le faire, il faut avoir saisi pleinement… » Ainsi le contrat d'honnêteté (-fidélité) avec soi-même doit être sans cesse renouvelé, « soyez vous-même votre propre flambeau » a énoncé clairement Bouddha Sakkyamuni. Le suc fruité provient de cette étreinte tant désirée et pourtant tout à la fois repoussée. En pénétrant dans cet espace quantique, une vibration majestueusement libre commence à s'ouvrir sur l'espace sans limite… .

tantrika

Le livre contient de nombreuses citations du Vijnana Bairava, un texte indien pour explorer la dimension sacrée dans la rencontre avec soi, avec l'autre et avec l'existence. Est-ce que ce sont toutes des techniques pour l'expansion de la Conscience ?

Oui parce que ce texte est en lui-même transcendant. Et non, bien sûr, parce que tout n'est pas écrit, livré justement en tant que « formule ». Mais ce texte dont certaines stances choisies sont citées à chaque étape de l'ouvrage est indéniablement un principe actif puissant et si agréable à notre éveil. Sa trame nous immisce justement au sein de la réunion initiatique de Shiva et Parvati. Comme tout texte canon dans la tradition tantrique, son écriture repose sur un défi : nous emmener vers un espace libre, vierge de la pensée des autres entourés pourtant par ces deux déités célébrant leur union. Nous sommes au-delà de la pensée formelle. Dans Journal d'une tantrika ou le doux saisissement de l'amour, j'ai cherché à maintenir cette virginité et à laisser se créer un texte vierge de la pensée même de l'auteure ! Pour moi c'est cela le gage d'un bon livre : le lecteur y jouit de tout l'espace nécessaire à l'expansion, il est guidé dans un espace encore plus vaste qu'avant la lecture.

Dans ces voies délicates, il n'y a jamais eu de liste des pratiques, ni de véridiques manuels en fait. Elles sont vraiment basées sur la relation. Donc pour l'instant, ici, au lieu de citer des exemples de pratiques, visualisations, exercices respiratoires, je préfère encore une fois citer des principes actifs à l'ouverture recherchée, ils sont incontournables. La présence, par exemple, en est un. Toutes les pratiques permettant de développer la présence… honnête et lumineusement vibrante, peuvent mener à l'expansion de la conscience non duelle. De même, souhaitons que le quêteur ose… oser, avancer vers, « déplacer » sa posture d'attente face au monde. Il s'agit autant d'une épistémologie que d'une philosophie, d'une posture faisant primer l'expérience. Alors, peut-être, La Dévi, elle aussi, apparaîtra dans votre champ de rencontre !
Et n'oublions pas que Sahaj en sanscrit veut aussi dire « spontanée ».
Voilà trois principes actifs cités !

« La forme active de la Dévi permet à chacun d'être plus ouvert au monde, aux autres, car d'abord à soi dans la douceur du mouvement créateur. » p.126.

Vous semblez être engagée sur la voie de l'amour comme beaucoup de femmes mais vous parlez aussi de la voie du yoga, de la méditation. Est-ce qu'il faut avancer sur les deux pour pouvoir réaliser notre nature profonde ? Quelle est votre expérience ?

J'ai observé que « la voie de l'amour » attire autant d'hommes que de femmes, à la rigueur certains feront peut-être plus de détours que d'autres avant d'être conscients de cette attirance, mais puisque les détours font partie du chemin, je ne soulignerais pas de différence d'attrait due au sexe. Maintenant à propos de votre question, tout comme dans le livre, je ne généraliserai pas ni ne donnerai une réponse valable pour tout un chacun. Cependant, puisque j'aime les défis, je dis oui, il est avantageux d'avancer sur les deux voies pour réaliser notre nature profonde. C'est ce que relève avec arrogance cette voie : ne point séparer le sacré du réel mais bien pénétrer dans ce réel pour y trouver le point, ou la base d'un retournement particulier, d'une dynamique « d'enlèvement par notre nature profonde » comme je le nomme. Encore une fois pour répondre à votre question cela dépend de la perspective. Nous exprimons-nous ici d'un point de vue fondamental ou relatif ? Je développerai ici seulement le point de vue relatif – puisque je vous laisse l'expérience du livre pour aborder ce que j'ai à partager du point de vue fondamental – en proposant l'idée que le yoga et les techniques de méditation ont pour objectif de changer les habitudes de notre organisme psycho-physique afin de laisser les qualités de notre nature fondamentale émerger. En effet, il est judicieux de développer les deux à la fois, l'une permettant de voir ou nous nous situons par rapport à l'autre. Cela rappelle la tradition des yogis de l'Himalaya qui, suite à de longues ascèses, rejoignaient une ville afin de tester leurs « résultats ». C'était la fonction principale de Rishikesh, première bourgade posée à l'endroit où le Gange termine ses passages sauvages entre les rochers et les pentes de l'Himalaya avant de rejoindre la grande plaine.

Qui ont été vos grands maîtres sur le chemin de la vie ?

C'est une question intéressante appelant de multiples plans où situer les réponses. Je pourrais dire que mon frère était le premier maître, ainsi que la mort et l'amour qui nous liaient profondément l'un à l'autre (il eu, dès la naissance, une maladie dégénérative). La nature et le silence également car nos dialogues étaient incessants et me permettaient de rencontrer ce qui en moi nourrissait le laisser-aller et le lâcher-prise. Tout autant que le poétique comme état d'approche et de réception du monde.
Puis, sur un autre niveau le premier maître réalisé que je pense avoir rencontré est Kalou Rimpoché peu avant sa mort dans les années 89. Il semblerait que cette rencontre qui a réactivé ma connexion avec les Tibétains dans ma 20e année. Je pense par exemple à Béru Khientsé Rimpoche et au Karmapa dont je suis très proche. En même temps j'ai rencontré aussi dans ces années mes premiers enseignants de tai-chi Chuan et taôismes, Chi Kong et danse Odissi. Mon empreinte dans la mystique chrétienne était également très intense, plus liée à ma famille de chair avec laquelle de grandes rencontres se sont passées : des ermites mais aussi des écrivains et penseurs inconnus. Puis je dois nommer Shri Ramana Maharshi. Ce grand maître est venu me chercher dans un rêve (alors que je ne le connaissais pas). Je suis allée vivre plusieurs années autour d'Arunachala en Inde, la montagne sacrée dans laquelle il a dissout, déposé sa conscience, peut-on dire. J'ai eu beaucoup de chance, car sans même les chercher, me déplacer, ils apparaissaient à tout moment dans ma vie. : Amma, Tich Nath Han, des Amérindiens, le Mexique, ce chamane Balinais avec qui j'ai travaillé deux ans très intensément (autour du volcan Mont Agung). Et Daniel Odier me rapprochant de Lalita, des forêts du Cachemire… Pour résumer, puisque je ne peux pas tous les énumérer, et si l'on parle de rencontres activant la transformation, citons un ingrédient permettant que le liant de la recette « prenne » : l'attitude initiant la rencontre encore une fois, car l'on peut rater un train posté sur le bon quai de gare même. Pour moi, avancer vers ces guides revenait à cultiver et me « munir » de cette intensité à être entière, de l'intensité porté à l'amour de la vérité, l'envie de ne jamais renoncer, de toujours recommencer si je tombais, et d'en rire !

Est-ce que vous pensez qu'il faut forcément un maître spirituel pour avancer ?

Dans la plupart des cas oui. Très rarement non. Ultimement la question est résolue avant de la poser.
Est-ce qu'aujourd'hui, vous vous sentez plus heureuse ?
AH ! (Rires).
Qui est heureux ?
L'objectif d'échapper à la souffrance, d'être heureux est souvent cité comme le début du chemin, mais ce n'est pas nécessaire d'en rester là. Qui cherche cela ? Où est-il ? Où est-elle ? A-t-elle une réelle existence identifiée séparée d'avec l'objet du bonheur ? Où se situer par rapport à la souffrance qui préside à toutes les autres : « croire à notre séparation d'avec la source »  ? (je m'arrête là pour l'instant !)
Quoiqu'il se passe dans ma vie, c'est issu de la grande « trame » du possible, et c'est perçu depuis son espace bienveillant, donc il n'y a plus d'inquiétude à avoir (sourions !).

Après la publication de ce livre, quels sont vos projets maintenant ?

Trois autres ouvrages assez différents les uns des autres. Ils ont aussi débarqués au sein du « majestueux champ de la conscience » !
Et puis il semblerait que l'on me demande de partager de nouveau la présence, quelques fois dans des rencontres avec d'autres « initiés » (rires) à la non dualité » diraient certains, je dirais « à la folle sagesse ». Je laisse ouvert, la voie sait où elle va, elle sourit pour cela ! C'est simple. En tout cas je suis heureuse de vous rencontrer.

« L'extase mystique n'est pas soumise à la pensée dualisante, elle est totalement libérée des notions de lieu, d'espace et de temps. Cette vérité ne peut être touchée que par l'expérience (…) ». Vijnana Bhairava, stance 14-17.

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Si vous souhaitez contacter l'auteure qui vit en France :
Email : sahajneel@yahoo.com