meditationfrance, méditation, tantra, connaissance de soi
Les archives de Meditationfrance

Une retraite de méditation silencieuse

Jean-Claude

Interview de Jean-Claude Dumont, webmaster de meditationfrance,
sur la retraite de méditation qu'il a fait cet hiver 2009.

Qu'est ce qui t'a amené à vouloir faire une retraite de méditation silencieuse pendant 3 mois ?

Quand on commence à avoir des expériences profondes dans sa méditation, on a naturellement envie d'aller voir encore un peu plus loin, un peu plus profond. Les expériences sont faites pour cela, pour nous inciter à continuer.

En 1990 j'ai eu pour la première fois depuis 1972 (année où j’ai découvert la méditation) une très profonde expérience de méditation au centre international de méditation Osho à Pune. Pendant des mois j'ai travaillé au Samadhi, matin et soir, pour faciliter les méditations silencieuses auxquelles bien évidemment je participais aussi. Et très souvent durant ces méditations de belles sensations de béatitude ont commencé à se produire, ce qui ne m'était jamais arrivé avant, je me sentais souvent plus calme après les méditations mais je n'avais jamais vraiment ressenti durant les séances de méditation ce genre de sensations extatiques, cet état de plénitude.

Un jour donc en novembre 1990, après la méditation du matin je suis allé prendre le petit déjeuner, à la fin du petit déjeuner je suis resté assis à la table où je me trouvais, dehors dans le jardin, je me sentais bien et j'ai fermé les yeux... soudainement et brusquement une immense sensation d'extase et d'unité m'a envahi... je suis resté avec cette sensation pendant environ 1 heure sans bouger, j'entendais tout ce qui se passait autour de moi, mais cela ne m'affectait pas du tout, je me sentais totalement uni avec l'existence, je n’existais plus en tant que moi mais en tant que tout... une sensation inébranlable que rien ne pouvait déranger... Il a ensuite commencé à pleuvoir et j'ai ouvert les yeux... je me suis levé et j'ai marché pendant quelques instants sans savoir où aller... comme la pluie devenait plus intense je suis allé dans le hall de méditation pour danser sur la musique d'une méditation soufie.... Durant les jours et les semaines qui suivirent quelque chose en moi s'est solidifié, je savais que j'étais sur la bonne voie, il n'y avait plus aucun doute ni recherche de ce qu'il fallait faire, simplement continuer à méditer.

En décembre 2005, alors que j'étais à Pune de nouveau pour une courte période de 3 semaines, durant la dernière semaine j'ai de nouveau vécu pendant plusieurs jours cet état profond de méditation. Pendant les 3 années qui suivirent le souvenir de cet état m'a hanté plus que les autres fois... petit à petit je perdais même l'intérêt que je portais normalement sur beaucoup de choses et activités extérieures. Je n'avais qu'un seul désir qui revenait sans cesse en moi, celui de retourner en Inde pour dédier mon temps entièrement à la méditation, faire une retraite silencieuse, ne parler à personne, ne rien lire, ne rien faire, être totalement en contact avec moi-même 24 heures sur 24. Je me suis donc organisé pour prendre 3 mois de temps libre et cette aventure merveilleuse pouvait commencer.

Pourquoi tu as choisi de la faire à Pune en Inde ?

C'est l'endroit depuis 1980 qui m'a apporté le plus au niveau personnel, où j'ai réalisé tant de choses avec et sur moi-même. La première fois quand je m'y suis rendu en 1980, je pensais ne plus revenir en Europe. Quand j'ai découvert cet endroit, après quelques jours j'ai envoyé 2 cartes postales, une à ma famille et une autre à des amis et j'avais simplement écrit dessus : j'ai trouvé le paradis. J'avais déjà voyagé beaucoup dans différents pays mais la sensation que j'ai eu quand je suis arrivé au centre international de méditation Osho à Pune était tellement forte qu'il n'y avait aucun doute, j'étais au paradis. Quelques mois après, Osho est parti aux Etats Unis, et tout le monde devait partir, donc en août 1981 j'ai dû également quitter ce petit paradis.

Quelques années plus tard Osho est revenu vivre à Pune en Inde et donc le centre a de nouveau accueilli tous les amoureux de la méditation. J'y suis retourné plusieurs fois, j'y étais également quand Ohso a quitté son corps en 1990 et beaucoup d'autres fois par la suite.

C'est pour moi l'endroit idéal pour une retraite personnelle de méditation, c'est un endroit que je connais très bien pour y avoir travaillé volontairement pendant plusieurs années, et c'est aussi parce qu'il me donne la possibilité de conduire moi-même ma retraite sans que personne ne vienne me déranger.

Que faisais-tu pendant cette retraite et comment l'as-tu organisée ?

Au début je me suis organisé un petit programme personnel et pendant environ 1 mois j'ai suivi le programme suivant :

Réveil naturel le matin, en général assez tôt, bien avant les premières lueurs du jour, et je méditais ou allongé dans le lit ou assis en silence jusqu'aux premiers chants des oiseaux qui arrivaient vers 6h30
Vers 7h j'allais au centre et je faisais la méditation assise silencieuse au Samadhi de 7h30 à 8h30
Puis je me rendais à la cafétéria pour prendre le petit déjeuner.
Après je retournais à ma chambre pour prendre une douche et changer de vêtements.
Retour au centre vers 10h pour passer la matinée autour de la piscine, méditation, observation et natation.
Repas de midi
Marche méditative
Méditation silencieuse au Samadhi de 3h à 4h
Entre 4h30 et 5h30 je prenais mon diner du soir, thé, pain, tahini et fruits.
Retour à ma chambre pour prendre une douche, puis toute la soirée à simplement être et observer le coucher du soleil, la venue de la nuit, la venue du sommeil. J'écrivais aussi brièvement sur un cahier ce qui s'était passé dans la journée.

Ensuite quand les expériences de méditation sont devenues plus fortes, j'ai complètement abandonné le programme car celui-ci en quelque sorte m'empêchait d'aller et d'être avec ce qui se passait sur le moment. Si par exemple dans ma chambre j'expérimentais une méditation profonde, je devais l'arrêter car suivant le programme il était 7h et je devais donc aller au Samadhi. Le programme a eu ses beaux jours au début mais ensuite il devenait un poids et je l'ai donc abandonné pour simplement me laisser aller avec les évènements qui devenaient de plus en plus forts à chaque jour qui passait.

As-tu eu des expériences particulières ?

J'ai eu des tas d'expériences incroyables, des choses que je ne pouvais pas du tout imaginer, des choses qui sont très difficiles à expliquer. Dés que nous rentrons dans le spirituel, dans le monde intérieur, les choses se compliquent pour les partager. Comment montrer l'invisible, comment décrire l'indescriptible ? L'expérience de la méditation est tellement personnelle et intime, elle n'a pas de forme et ne peut pas être montrée, ce sont des sensations intérieures qui doivent être vécues pour les comprendre. Mais quelque soit la difficulté on essaye toujours de partager ces expériences, mais les mots ne peuvent jamais vraiment exprimer l’expérience vécue.

Dès le premier jour de ma retraite silencieuse, j'ai senti en moi une facilité à simplement être seul et en silence, et ceci dès les premières séances de méditation qui me remplissaient de plénitude et de béatitude. Il y avait ensuite chaque jour tout le travail d'observation de mon mental, de mon ego, celui qui se sent regardé, qui se sent triste, qui se sent illuminé, celui qui se crée sans cesse des histoires, celui qui refait le passé, qui imagine le futur, celui qui se préoccupe, celui qui se répète sans cesse les mêmes choses, etc.

Les plus belles expériences sont arrivées après 3 semaines de cette retraite même si dès le début chaque jour avait son moment unique et profond. Je ne peux pas ici raconter chacune de ces expériences, les plus belles et les plus fortes expériences ont été provoquées par le réveil de la kundalini (l'énergie dormante). La première fois, après le lunch, je faisais une marche méditative et tout doucement après 10 minutes de marche, j'ai commencé à trembler tout en marchant et ma respiration devenait de plus en plus profonde, j'ai accepté ce tremblement et j'ai continué à marcher doucement jusqu'au moment où je ne pouvais plus rester debout, j'ai dû aller m'asseoir sur un petit mur et pendant 1 demi heure tout mon corps s'est mis à trembler de haut en bas, c'était comme si un courant électrique me traversait le corps, j'ai complètement laissé ce tremblement être... puis quand il a cessé, j'ai pleuré comme un bébé, puis ensuite j'ai ri comme un fou, puis s'est installé le silence, une paix comme jamais je ne l'avais ressentie en moi.

Une autre fois il s'est passé un peu la même chose mais cette fois en fin d'après-midi vers 16h, j'étais assis sur une chaise depuis 1 heure les yeux fermés, dans un coin autour de la piscine et soudainement alors que je méditais tranquillement, de nouveau mon corps a commencé à trembler très fort, j’ai de nouveau laissé le tremblement être et quand il a cessé, l'espace dans lequel je me suis retrouvé est indescriptible, c'était le paradis intérieur. Il m'est impossible d'exprimer l'état dans lequel je me suis retrouvé après cette expérience, c'est resté très fort pendant 1 heure puis il s'est estompé tout doucement dès que j'ai commencé à voir qu'il était tard et que je devais bouger… ce fut un état d’extase, une sensation d’être totalement dans ce moment, dans un vide plein de bonheur, de silence, de joie, d'abondance...

Donc ces expériences se sont renouvelées plusieurs fois me laissant à chaque fois dans un espace tel que j'avais besoin de beaucoup de temps pour revenir à un état qui me permettait de rentrer dans ma chambre ou pour aller manger ou pour prendre soin des choses quotidiennes de la vie. Souvent ces états méditatifs duraient 2 ou 3 heures puis ils s'estompaient en puissance mais à chaque fois ils laissaient en moi une trace indélébile qui me facilitait toujours plus la vie en silence et en méditation. Ils étaient comme des signes, comme des indications pour me dire que tout allait bien avec ce que je faisais, que j'étais sur le bon chemin. Chaque méditation devenait un plaisir, plus je rentrais en moi-même et plus j'avais envie de rentrer encore plus en moi-même, plus j'étais en silence et plus je voulais rester en silence, plus j'étais seul et plus je voulais rester seul, c'était incroyable la joie subtile que j'éprouvais d'être seul. Parler avec les gens devenait difficile, à quelques reprises j'ai parlé avec 2 ou 3 amis présents mais à chaque fois il m'était très difficile de partager et de communiquer ce que je vivais.

Comment tu te sens maintenant après cette retraite ?

Je suis totalement satisfait d'avoir fait cette retraite. Je donne aujourd'hui plus de place au nouvel être qui est nait durant cette retraite, ce nouvel espace que j'ai découvert en moi et je laisse aller la vieille personnalité, l'ego avec lequel j'ai vécu et avec lequel j’étais identifié jusqu'à maintenant. Car il faut faire très attention de ne pas retomber dans le mécanisme automatique de la personnalité avec laquelle on a été habitué à vivre tout le temps. L'effort réel commence une fois que nous découvrons en nous notre véritable nature, il faut la nourrir, la chérir, lui donner de plus en plus de place, en restant très vigilant dans les actes simples de la vie quotidienne. Chaque jour quelque chose du vieux disparait et le nouveau s'affirme de plus en plus.

Je m'assois régulièrement en silence chaque jour, chaque matin pour démarrer la journée et spontanément durant le reste du temps. La vie est devenue beaucoup plus facile, plus claire, elle est devenue aussi plus intéressante, car chaque situation devient un peu comme un test, comme un contrôle pour voir où on en est. Toutes les situations sont bienvenues, tous les affrontements sont les bienvenus, si je réagis aveuglément, mécaniquement, je m'en rends compte immédiatement, et donc cela aide à faire le nettoyage en profondeur tant que c'est nécessaire. Tout devient également beaucoup moins sérieux, la perspective avec laquelle je vois la vie s'est en quelque sorte élargie, la vague a pris conscience de la profondeur de l'océan.

Est-ce que tu ferais de nouveau une retraite de méditation silencieuse ?

Oui absolument, dès que j'en aurais l'occasion je le referais.
Rien au monde ne peut être comparé à la grandeur de la joie d'être seul, c'est une liberté incomparable, être seul, sans rien faire, être en totale relaxation, et se sentir heureux, satisfait, complet. Au début je pensais que j’allais m’ennuyer souvent durant cette retraite, mais en fait je ne me suis même pas ennuyé une seule seconde. Notre vie intérieure est tellement riche, et puis dès que nous entrons dans les profondeurs de notre être, cela devient si absorbant, si intéressant, que tout le reste semble insignifiant.
On se trouve baigné dans une joie d'un autre monde, un sentiment de satisfaction totale où rien n'a besoin d'être ajouté, c'est le simple plaisir d'être.

N'as-tu jamais eu le sentiment de devenir trop sérieux en "faisant cette retraite silencieuse de 3 mois" ? Les enseignants spirituels parlent souvent de la question de l'ego et du mental qui sont très subtiles et qui peuvent à tout moment revenir par la porte de derrière. Quelle a été ton expérience ?

C'est une préoccupation que j'ai souvent eu en moi durant cette retraite, que les gens devaient penser que j'étais sérieux car j'étais toujours seul, je ne parlais à personne, je marchais sans regarder autour de moi, etc.
On est tellement habitué à mettre notre énergie vers l'extérieur que dès que l'on décide de consacrer son temps uniquement pour aller à l'intérieur de soi, cela crée une coupure évidente avec les autres personnes. Il faut alors se détacher du jugement des autres, cela fait justement partie du travail sur soi et de la méditation.

De l'extérieur cela semble sérieux, de l'intérieur c'est un espace de liberté incroyable, une paix, une tranquillité, une joie subtile surtout quand on arrive à se détacher et à ne plus écouter les préoccupations du mental, à se défaire du jugement des autres, quand on trouve l'espace où on devient uniquement un observateur. Quand on médite pendant 1 heure, on rentre dans cette espace d'observation silencieuse, le problème que nous avons en général est que dès que la méditation se termine, nous retournons dans nos vieilles habitudes, nous devenons de nouveau la personnalité à laquelle nous sommes identifiés.... la retraite de méditation silencieuse permet donc de garder cet état d'observation d'une façon plus continue, plus constante. Le fait de rester seul et en silence, le fait de consacrer toute son énergie à la vigilance, aide à ne pas retomber si facilement dans les mécanismes automatiques de notre personnalité, de notre ego. La retraite de méditation nous permet de se familiariser à cet état d'observation silencieuse, à lui donner plus d'espace. Au début quand on rentre en contact avec cet espace il a besoin d'être nourrit, il est nouveau, il est fragile, et le fait d'avoir tout le temps à lui consacrer, nous aide à approfondir et à cristalliser cet état d'être.

Quand on décide de faire ce genre de retraite, il est évident que l'ego va en prendre un coup, c'est le but même de la retraite, de justement comprendre ce qu'est l'ego et de ne plus en être l'esclave. Le désir de faire une telle retraite nait de la prise de conscience qu'il est maintenant temps de réaliser son vrai Moi, qu'il est temps de remettre de l'ordre dans sa maison.

Dès que nous réalisons des états de méditation profonds, dés que nous réalisons notre Moi intérieur, il est aussi naturel que l'ego revienne par la porte de derrière, il ne va pas s'en aller sans essayer de combattre pour sa survie... c'est là aussi que le chemin intérieur devient de plus en plus intéressant... de voir disparaitre petit à petit tout ce qui est inutile et de devenir de plus en plus clair, plus calme et plus en harmonie avec soi-même. C'est un processus merveilleux qui n'est jamais ennuyeux, être en méditation, être dans le présent est une chose qui ne vieillit jamais, c'est toujours nouveau, toujours frais.

A chaque grande expérience de méditation que j'ai eu, je pouvais toujours observer en moi l'ego qui en faisait tout un plat. Selon lui j'étais déjà illuminé, je devais arrêter maintenant cette retraite, elle ne servait plus à rien, je pouvais rentrer à la maison... A chaque fois l'ego veut tout arrêter car il sait que plus la retraite va en avant et plus il va disparaitre, donc il essaye de me persuader que je suis déjà arrivé... la beauté de la méditation est de nous permettre de différencier en soi ce qui est ego et ce qui est notre être véritable, de toujours prendre chaque expérience comme simplement une expérience, sans en tirer de conclusions, et de continuer à rester dans l'espace d'observation, un état qui n'arrive jamais nulle part, qui est tout simplement dans ce moment présent.
Il n'y a pas d'arrivée, il y a seulement le voyage.

Conseilles-tu à tout le monde de faire ce type de retraite ?

Je ne conseille rien à personne d'une façon générale, chacun est unique et différent. Chacun doit trouver en lui le chemin qui lui convient. Je ne peux que partager mon expérience sans donner aucun conseil, si mon expérience touche quelqu’un il y trouvera les conseils de lui-même.

Chacun doit voir en lui ce qui l'attire, pour certains une retraite de yoga, ou de danse, ou de méditations plus actives, seront plus adaptées.

Dans la vie il n'y a pas de chemin tout fait. Chacun doit tracer son chemin, c'est notre grandeur, notre splendeur, notre liberté.