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Le temple du corps, la porte de l’âme.

Liao Yi Lin

Interview de Liao Yi Lin
par la revue Le 3ème Millénaire

 

Le 3ème Millénaire : Pour l’occident, l’être humain, de même que les animaux et les plantes, sont vus de façon réductionniste comme des agrégats de cellules animés par une énergie bio électrique ou biochimique. Si l’on est malade, la médecine occidentale, par exemple, ne traitera que la partie malade sans s’occuper du reste. Cette vision mène à considérer que tout se vaut, qu’une cellule animale a la même valeur qu’une cellule humain puisque les deux ont le même mode de fonctionnement. Ainsi la biologie et la génétique mélangent-elles allègrement dans leurs éprouvettes les règnes et des espèces. La médecine moderne envisage par exemple de placer une greffe de coeur de porc dans un corps humain, le porc étant un des animaux les plus compatibles biologiquement avec l’homme. En bref, quelle différence de vision entre orient et occident quant aux effets de la science ?

Liao Yi Lin : La médecine chinoise a une vision très globale. On considère le système des cinq organes comme une unité. Si vous avez des problèmes au foie, il ne s’agit pas de soigner seulement le foie mais aussi le reste. L’énergie de la rate, de l’estomac, des poumons, des reins sont très importants pour les problèmes de foie ! Les chinois soignent donc la globalité des choses. Aujourd’hui, si on a un important problème à un organe, les médecins proposent tout de suite de l’enlever par voie chirurgicale. Retirer les organes est devenu une habitude.

Pour nous, c’est très dangereux, car c’est casser l’harmonie du système organique, qui vit en situation d’interdépendance. C’est une vision issue du cosmos. Les chinois se sont inspirés de la marche du cosmos pour créer leur médecine. Nous faisons partie de la nature, nous ne sommes pas séparés du cosmos, et les organes ne sont pas séparés entre eux. Les choses fonctionnent ensemble. C’est la grande différence entre la Chine et l’Occident. Ici, tout est séparé, le corps et l’esprit sont séparés, comme l’homme et la nature. Pour l’Occidental, chaque organe est séparé des autres, chaque cellule est séparée. Pour nous, c’est le contraire. Si le foie est malade, nous regardons les ongles et les yeux, car ils manifestent l’état de santé de votre foie. Les gens qui ont des problèmes de poumons se distinguent par la couleur de leur peau, leur poils, les cheveux. Tout fonctionne ensemble. Une fois un morceau retiré, le reste se trouve dans le désordre. Dans la médecine chinoise, nous évitons au maximum les opérations. L’énergie circule dans le corps selon des chemins que l’on appelle méridiens. Si nous coupons un trajet, comment va passer l’énergie ? Il faut du temps après une opération pour que les organismes reprennent leur fonctionnement naturel.

En Chine, nous avons découvert les méthodes d’anesthésie il y a 1700 ans par notre grand médecin traditionnel Hua Tou, qui a ouvert le ventre d’un patient atteint de grave maladie et avait lavé ses organes... Pourquoi la chine n’a-t-elle alors pas développé la chirurgie comme celle en Occident?
Parce que l’accent est mis sur la prévention, on essaie de soigner avant que la maladie ne se manifeste, donc de capter les symptômes afin de rétablir l’harmonie, avant d’enlever quoi que ce soit. C’est une vision naturelle. Quand un organe est là, dans le corps, il a une raison d’être, ce n’est pas gratuit. Quand un enfant fait une grosse bêtise, vous pouvez le punir en le chassant dans le jardin et le faire revenir après à la maison. Mais vous ne pouvez pas couper nos organes et les remettre ensuite! Il faut d’abord comprendre, puis retrouver l’harmonie.

S’il n’y a pas le choix, bien sûr, on fait le nécessaire. Mais ici, en occident, la situation est catastrophique. J’ai beaucoup d’élèves qui ont un rein en moins, ou l’utérus, ou un sein, ou la vésicule biliaire. L’homme n’est pas un objet, il est très précieux C’est une unité de l’esprit et du corps, une âme incarnée dans un corps. Couper quelque chose dans le corps peut risquer de blesser l’âme. Je souhaite fort que des méthodes diverses comme la médecine chinoise, la médecine tibétaine, la médecine indienne traditionnelle ayurveda, l’hypnothérapie, l’homéopathie, phytothérapie et aromathérapie devraient être officialisées au même titre que la médecine allopathique en France...

En Chine, je témoigne de beaucoup de cas où l’on a réussi à soigner de graves maladies avec des méthodes douces sans effets secondaires négatifs... Dans un monde qui vénère la rapidité, l’homme morderne me semble tellement stressé qu’il ne se donne plus le temps de se guérir d’une manière naturelle.

Somme toute, pour la vision chinoise, l’être humain n’est pas une machine. Ce n’est pas un robot pour lequel on peut remplacer une pièce par une autre sans que cela n’altère son fonctionnement ? On peut aussi penser à la vision qu’un médicament précis peut soigner une maladie donnée, en négligeant largement les effets de ces médicaments sur les autres organes (les effets dits secondaires). Cet esprit découle aussi d’une vision de l’homme comme une mécanique, une vision qui considère l’homme comme un assemblage de morceaux.

Tout à fait. Pour moi, il est nécessaire de développer une conscience de l’état de notre corps. Nous sommes responsables de notre santé. Ici, les médicaments, les opérations, sont remboursés, aussi la facilité est dans l’oubli du corps. Au moindre souci, on prend un médicament et c’est terminé. Cette mentalité devrait être changée. Laisser l’autre décider de l’état de notre corps est très dangereux. Une fois que nous sentons un malaise dans la vie quotidienne, nous devons nous interroger : pourquoi mon foie est-il atteint ? Est-ce que je mène une vie trop stressante ? Ai-je des colères trop refoulées ?

Il y a ensuite tout un ensemble de médecines douces pour restaurer notre santé : les plantes médicinales, le yoga, le qi gong, etc. Tout cela est présent pour essayer de soigner avant d’enlever quoi que ce soit. L’opération chirurgicale fait en effet partie du conditionnement occidental que je vis ici. Le médecin ne réfléchit pas, il agit selon ce qui lui a été enseigné. Il y a un problème : on opère ! Pour les patients, le mécanisme est celui de laisser le médecin prendre toutes les décisions. Si le médecin vous explique que vous avez un cancer, il vous propose l’opération et la chimiothérapie. Les gens ont peur de mourir, et se disent que c’est la seule solution. Je crois que c’est la pire des solutions. Déjà, arriver dans un état de grave maladie ne devrait pas être possible, sauf cas extrêmes. Il faut réellement développer une conscience de son corps.

Nous sommes maîtres de notre corps, nous devons vivre notre corps comme nous vivons avec notre amour, avec beaucoup de tendresse. Ce n’est pas un objet, mais le temple de notre âme. L’orient considère le corps comme le premier temple. C’est grâce à lui que nous pouvons atteindre des niveaux supérieurs de conscience. C’est grâce à ce corps que nous sommes en ce monde. Grâce à lui que nous pouvons vivre une vie joyeuse et heureuse. C’est donc toute une mentalité à changer.

Cependant, cette mentalité poussée à l’extrême proposera des solutions à l’affaiblissement du corps résultant du mode de vie artificiel dans lequel nous plongeons de plus en plus profondément. Comme probablement des remplacements d’organes naturels par des artificiels, des implants semi-organiques, qui pourront venir en soutien de la mémoire, de certains organes (aujourd’hui déjà les implants cardiaques), donc nous soutenir physiquement et psychiquement...

La vision orientale repose sur le respect de la nature. Ce respect permet de mieux vivre, de mieux comprendre la vie. En occident, on fonctionne beaucoup par la tête. La technologie moderne est le résultat de ce mental excessif. Toute cette technologie et le conditionnement qui va avec est un symptôme de l’Occident. C’est un symptôme de maladie. Nous avons besoin de cette technologie dans très peu de cas, lorsque le problème est incurable, lorsque l’on est au bout de tous les autres traitements. Mais justement, il faut éviter d’en arriver là ! Car une fois l’organe remplacé par quelque chose de mécanique, l’être humain se trouve éloigné de sa nature.

Dans le milieu du cinéma que je fréquentais en France et aux Etat-Unis, tout est refait, les seins, la bouche, le nez. On ne sait pas qui l’on a en face de soi ! Vous n’en sentez pas l’existence, tout est tellement faux et artificiel ! Aujourd’hui, cette maladie se répand aussi en Chine. Les parents offrent une opération esthétique pour leurs enfants qui ont réussi le Bac ! Hup, un grand nez et des gros yeux occidentaux...

Si dans le corps tout est artificiel, que reste-t-il de réel, que reste-t-il de l’être humain ? De plus, une opération est une violence faire au corps. Et rien n’est plus violent que de se faire retirer des morceaux de nous qui sont très précieux, indispensables pour le développement naturel. Donc, si on remplace un organe malade par un organe artificiel, il y a éloignement de la nature, et il y a affaiblissement. Un deuxième organe artificiel va peut-être commencer à ne plus fonctionner correctement, et la médecine proposera de le remplacer aussi ? C’est sans fin, jusqu’à ce qu’il ne reste rien.

Pour moi, déranger le fonctionnement naturel du corps, c’est entrer dans un cercle vicieux sans fin. Les gens doivent comprendre qu’une opération violente ne soigne pas. Les effets secondaires se manifestent sûrement un jour ou l’autre. C’est très évident pour ce qui est des cancers. Je connais une femme qui a eu cinq opérations de suite... Hup, plus de l’utérus, de vessie... Jusqu’au jour où elle meurt... Il y a là-dedans une question de psychologie. Je réalise que j’ai un gros problème de nature organique, et on me propose de remplacer un ou plusieurs organes par quelque chose de nouveau. Cela paraît extraordinaire, on repart tout neuf dans une nouvelle vie. C’est bien sûr le mental qui voit les choses comme ça !

Vous évoquiez l’unité de l’esprit et du corps. Le fait d’accepter que son corps devienne en partie artificiel aurait-il une conséquence sur le « mûrissement » de l’âme ?

Mais oui. Et pourquoi laissons-nous notre âme être mutilée de cette sorte ? Parce que nous ne sommes pas heureux. Pourquoi notre âme n’est-elle pas heureuse ? C’est cela qu’il faut traiter. Une personne malheureuse commet des actions qui l’empêchent d’être heureuse. Par exemple, un enfant battu ne reçoit que la destruction de la part de ses parents. Même s’il rencontre une fée ou une princesse, il détruira son amour, inconsciemment. Une opération chirurgicale est pour moi la même chose. Se laisser mutiler est un symptôme pour dire que nous sommes malheureux. Il faut plutôt chercher à comprendre ce malheur, sa source, et trouver les méthodes douces pour soigner.

C’est là que se trouve le chemin de guérison. C’est un chemin de conscience, un chemin spirituel... Il ne faut pas ajouter une autre violence qui détruira notre corps, et notre âme. C’est là un très mauvais virage que prend le mental, mais qui fait partie du conditionnement de l’homme moderne. La société par les médias est très puissante à nous imposer des remèdes artificiels. C’est un abus de la technologie. Or, s’aimer soi-même, aimer son corps, est le premier pas vers la paix intérieure et la paix du monde. La technologie pourra alors être utilisée de façon juste. Je ne suis pas contre la technologie, elle a de nombreux aspects positifs. Mais la technologie doit donc être conduite avec notre conscience.

Cependant, cette conscience semble faire défaut aujourd’hui. Par exemple, nous croyons, justement de façon inconsciente (mais largement flattée par les images de la publicité), trouver une réponse à tous nos maux dans la technologie. Nous avons l’impression de pouvoir attraper quelque chose, se remplir, dans les images mouvantes sur leurs écrans. Mais il n’en reste que du vent...

L’homme moderne vit une vie aliénée. Le problème est que les gens n’aiment plus. Ils restent fixés pendant des heures sur leur écran. Ils sont dans un monde imaginaire, et n’ont plus de contact humain. De nombreux jeunes qui passent leurs journées devant l’ordinateur ne savent même pas ce qu’est une femme, dans la réalité. On donne aux enfants des ordinateurs et des jeux électroniques. Ils s’absorbent dans un monde imaginaire et y dilapident leur énergie parce qu’ils n’arrivent pas à affronter le monde réel. C’est une échappatoire, et ça crée un conditionnement terrible. Et cela parce qu’ils ne reçoivent pas un amour juste. Si les enfants se détruisent les yeux et les organes devant les ordinateurs, où va notre avenir ? Je pense à des situations de personnes divorcées, où il subsiste beaucoup de rancoeur chez les parents, et les enfants se trouvent au milieu de cela. Les parents ne savent souvent pas comment élever, orienter leurs enfants. Souvent les parents pensent être plus sage que leurs enfants, mais ne le sont pas en réalité. Le travail commence donc par les adultes.

Confucius disait de bien incarner la conscience soi-même. Chacun devrait ainsi méditer, trouver le calme au moins 5 à 10 minutes chez soi par jour, retrouver la conscience de soi, à travers le corps. Etre soi-même en harmonie. Puis dans la famille, que notre couple arrive à incarner l’amour et la joie pour donner un bon exemple à nos enfants... si nous leur imposons les conditionnements injustes, les idées préconçues et rigides... Soyons donc concrets. D’abord soi-même, la famille, puis dans notre profession, dans l’entourage des amis. Comment vivons-nous ? Comment sommes-nous ? Arrive-t-on à donner de la conscience et l’amour dans notre milieu professionnel, avec nos amis puis dans la société, dans le pays, choisissons-nous avec conscience notre gouverneur, qui aime vraiment le peuple mais pas le pouvoir ni le prestige, et qui met en place des lois aux faveur de la santé des gens etc...?

La conscience, c’est le déconditionnement. La vraie moralité, la vraie conscience, vient tout d’abord du déconditionnement. La bonté, la moralité, la justice, la beauté, tout cela va ensemble. Quand on est dans la conscience, on sait ce qui est juste, ce qui est beau, naturellement. Comme le disait Osho, il est temps de développer la science religieusement, et soyons religieux avec un esprit scientifique. Tout cela va ensemble. Si la technologie est menée avec un esprit religieux, alors elle sera menée de façon juste et ne transformera pas l’être humain en machine vide. Si l’on est religieux sans religion, plus de conflits, plus de guerres au nom des religions, notre âme sera en paix... L’enfer qu’on vit aujourd’hui dans le monde deviendra le paradis...

Pour en savoir plus sur les activités de Liao Yi Lin

La revue Le 3ème Millénaire