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Être aimé... ou aimer ? ou... ?

par Osho

Voici une question d'un disciple au mystique indien Osho :

Cher Osho, Je me rappelle d'une très belle histoire d'Hermann Hesse.
Une femme est enceinte et un sage lui dit qu'elle peut, si elle le veut, voir un vœu exaucé pour son enfant. Elle exprime le désir que son enfant soit aimé par tout le monde. Le voeu est accompli. Et bien que le jeune garçon soit désagréable, il est aimé par tout le monde. Quand il devient un jeune homme, il a autour de lui tout ce qu'il peut désirer, mais il est tellement malheureux qu'il veut se suicider. Toutefois le sage apparaît à nouveau et lui dit qu'il peut avoir un voeu exaucé. Le jeune homme désire être capable d'aimer tout le monde, plutôt que d'être aimé par tout le monde. Son voeu est accompli. Son visage, qui était beau, devient vieux et laid, et toute la ville se retourne contre lui. On lui jette des pierres, et il ne peut trouver ni vêtements, ni nourriture, mais il déborde d'amour. Les plus petites choses de la vie sont une histoire d'amour pour lui. Il décide alors de partir en pèlerinage, et par une nuit froide, il rencontre le même vieux sage qui l'accueille avec beaucoup d'amour. Le pèlerin s'abandonne dans les bras du vieux sage et redevient à nouveau un enfant innocent.
Maitre, veux-Tu, s'il te plaît, commenter?

Herman Hesse est un des rares esprits occidentaux qui soit arrivé aussi près de la façon de voir les choses qu'on a en Orient. Peut-être n'y a-t-il pas eu d'autre homme de cette qualité, pour comprendre l'Orient aussi bien.
Cette histoire montre sa compréhension de la sagesse orientale en ce qui concerne l'amour.

Le premier vœu que la mère demande est que son enfant soit aimé par tous. En ne regardant que les mots, vous n'allez pas comprendre ce qui se cache derrière : les implications. Il devient un jeune homme qui a tout ce qu'il veut, il est beau. Bien qu'il n'ait pas des manières agréables, il est gâté, parce que tout le monde l'aime inconditionnellement.
Mais plus il grandit, moins il est satisfait, et arrive un moment où il veut se suicider.
C'est l'histoire de tous ceux qui veulent être aimés.
Pourquoi est-il dans un tel désespoir? Il devrait être heureux. Quoi de plus pouvez-vous demander ? Tout le monde vous aime en dépit même de vous!
Mais pour des yeux observateurs, il y a quelque chose: quand vous êtes aimé par tout le monde, vous devenez un objet d'amour. Vous perdez votre individualité, vous perdez votre intégrité, vous perdez votre subjectivité.
Vous devenez un objet.
Tout le monde vous aime comme un bel objet - et personne ne veut devenir un objet.
C'est ce que sa mère avait oublié.
C'est ce que des millions de personnes, dans le monde, ont oublié.
Le voeu paraît tout à fait juste, mais ses implications en sont très dangereuses.
D'abord, il vous réduit de l'état élevé de conscience subjective, à l'état de réalité objective. Tout le monde vous aime, sans se soucier de savoir si vous êtes digne d'amour ou
pas.
Et vous n'en êtes pas digne!
C'est à cause de la bénédiction du sage qu'ils vous aiment. Leur amour vous a gâté; vous n'êtes plus d'aucune valeur. Vous comprenez que vous ne valez rien, mais que les gens vous aiment malgré tout. Une grande culpabilité arrive en vous, quelque chose est allé de travers. L'amour doit être gagné.
Sinon l'amour est comme un mendiant - il ne gagne rien, il tend son bol devant vous...

L'homme a besoin que tout soit gagné, il a besoin d'en être digne.
Il ne doit pas être juste un mendiant. Il est alors réduit à l'état d'objet, à être un mendiant. Et le garçon n'a aucun amour pour personne, parce que cela ne faisait pas partie du voeu.
Aussi, vous le voyez: il ne peut pas comprendre l'amour non plus. Le feu doit brûler des deux cotés simultanément...
Il n'a aucune chaleur, il est complètement froid, froid comme de la glace.
Il n'a jamais aimé personne.
Et vous pouvez comprendre la détresse de la personne qui n'a jamais aimé - parce qu'il ne sait pas ce que l'amour est!
Selon la bénédiction du sage tout le monde l'aime, mais selon sa propre compréhension, personne ne l'a jamais aimé, parce qu'il ne connaît pas le ressenti de l'amour.
Il n'a jamais aimé, rien ni personne, comment pourrait-il le connaître ?
Ainsi tout cet amour qui l'entoure est juste sans signification. Pour ce qui le concerne, personne ne l'aime. Il n'est pas au courant du voeu de sa vieille mère, ni de la bénédiction du sage. Et même s'il l'avait connue, cela n'aurait fait aucune différence.
Pour comprendre l'amour, vous devez d'abord être aimant.
C'est seulement comme cela que vous pouvez le comprendre.

Des millions de personnes souffrent: elles veulent être aimées, mais elles ne savent pas comment aimer. Et l'amour ne peut pas exister comme un monologue: c'est un dialogue, un dialogue très harmonieux. Tellement d'amour montré à cet homme, et il veut se suicider... parce que ce n'est pas ce que les gens vous donnent qui vous apporte la satisfaction, c'est ce que vous donnez aux gens.
Ce n'est pas en étant un mendiant que vous pouvez être contenté, c'est en étant un empereur, et l'amour fait de vous un empereur... quand vous donnez!
Et vous pouvez donner tellement, sans limite, parce que plus vous donnez, plus raffiné, plus riche, plus parfumé devient votre amour - et plus il y a de contentement.
Mais ce pauvre garçon était dans une situation difficile. Tout le monde l'aimait, et il ne savait pas ce que l'amour était. Dégoûté de l'amour, il décide de se suicider. Le vieux sage arrive à nouveau, parce qu'il savait ce qui allait se passer.

La mère avait demandé quelque chose - selon elle un grand voeu! Mais pas selon le sage. Il savait que ce voeu conduirait au suicide.

Il dit: "Je peux exaucer un voeu". Et vous pouvez voir ce que le garçon demande immédiatement... parce que c'était ce dont il manquait.
L'histoire est très méthodique.
En surface, vous pouvez ne pas la comprendre, mais en profondeur, tout est si bien connecté. Le second voeu prouve ce que je vous ai dit. Il demande qu'il ne veut pas que les autres l'aiment, il veut aimer 1es autres.
En cela il montre que le premier voeu ne vaut rien, sans le second.
Il veut aimer tout le monde.

Mais l'histoire se poursuit et peut paraître étrange: lorsque le voeu est exaucé, le beau jeune homme est transformé en horrible vieillard. Cela indique que c'est seulement dans la vieillesse que les gens en viennent à comprendre ce qu'ils ont raté toute leur vie: ils n'ont jamais aimé.
Pendant toute leur vie, ils ont voulu que les autres les aiment, et ils furent psychologiquement misérables. Ils ont toujours voulu davantage d'amour, il furent avides.
À la fin, quand les gens commencèrent à les oublier, parce qu'ils étaient devenus vieux et horribles, ils en sont venus à regarder ce qui leur avait manqué toute leur vie, et la révélation apparut: ils n'ont jamais vraiment donné, ils ont simplement voulu avoir.
Ordinairement c'est trop tard !

Il va maintenant leur être impossible de trouver quelqu'un pour recevoir leur amour. Dans toutes les langues il y une expression du genre "horrible vieillard", "vieillard lubrique", dans toutes les langues, la même expression. Parce que lorsque la vieillesse arrive, qu'il n'est plus jeune et plus beau, que tout est devenu laid et qu'il est prêt à mourir, la compréhension arrive qu'il a raté quelque chose. C'est pour cette raison que sa vie a été entièrement vide et sans signification: il n'a jamais donné vraiment, il n'a jamais vraiment aimé. Aussi voudrait-il maintenant aimer les gens. Mais qui veut aimer un horrible vieillard? Il est repoussant. Son amour ressemble à de la convoitise
- pas à l'amour - à la convoitise d'un mourant.
L'histoire indique cela: alors que le jeune homme reçoit la bénédiction du vieux sage, il devient tout à coup un horrible vieillard.
Le voeu d'aimer est exaucé...

Toute l'histoire concerne l'humanité: maintenant il peut aimer, mais personne ne veut recevoir son amour. Maintenant il peut donner, mais tout le monde le fuit. Il est repoussant. Parler d'amour est devenu une chose impossible, personne ne veut même s'asseoir près de lui. Il est à moitié mort, et il veut vous aimer... et bien sûr, il veut aimer des jeunes, et naturellement il est rejeté.
Il a été d'une extrémité du pendule, à l'autre... qui n'est également qu'une moitié. Aucune extrémité ne peut être satisfaisante. Voyant la situation - qu'il ne pouvait être satisfait, ni quand les gens l'inondait d'amour, ni quand il aimait les gens, parce que c'était maintenant difficile de trouver des gens à aimer - il partit en pèlerinage, et pour la dernière fois, il rencontra le sage.
Le sage savait. Parce que c'est la dialectique: la mère avait choisi une partie... qui se montra fausse. Il choisit l'autre, qui se montrait fausse également. Les deux ensemble étaient justes, mais pas l'une sans l'autre.

Voyant maintenant que les deux ont échoué, il est parvenu à une sorte de transcendance. Il a vu que toute dualité échoue. Et quand il rencontre le vieux sage, le vieil homme le prend dans ses bras, et il redevient un petit enfant innocent - exactement le même enfant que la mère a apporté au sage pour qu'il le bénisse. La vie a fait un cercle complet: il est à nouveau un petit enfant. Cela aussi est très significatif, parce que chaque échec d'une vie vous apporte un peu de compréhension, un peu de transcendance de la dualité, ce qui vous donne une nouvelle naissance, après la mort - à
nouveau un enfant innocent... à nouveau une opportunité pour ne pas tomber dans le même vieux piège…
Mais les gens continuent à tomber dans le même vieux piège, encore et toujours... cela devient une habitude.
L'innocence de l'enfant va revenir après chaque échec - après l'échec des deux extrêmes, mais vous allez recommencer encore le même jeu...

En Orient, ils ont raison de dire que les cercles de la vie continuent à aller dans la même ornière, avec les mêmes échecs; dans les mêmes fossés avec les mêmes détresses psychologiques - et que personne ne semble apprendre quoi que ce soit!
Si quelqu'un apprend réellement, et que la transcendance qui conduit au-delà de la dualité n'est plus seulement la bénédiction d'un saint, mais votre propre compréhension - que cela vienne de votre propre être intérieur - alors il n'y a
plus aucun besoin d'une nouvelle naissance.
C'est ce que j'appelle l'illumination.
La compréhension que tous les extrêmes échouent.

Restez au milieu, exactement au milieu, là où le pendule s'arrête, et où la pendule s'arrête, où le temps s'arrête: pas de mouvement, pas de désir, pas de but, nulle part où aller, juste être ici et maintenant.
Cette innocence provient alors de vous-même.
Sa présence est née en vous, vous n'avez plus besoin d'une nouvelle naissance.
Votre éducation dans le monde est terminée. Vous pouvez maintenant être accepté dans la vaste existence, avec tous les éveillés.
L'histoire est certainement très belle. Essayez d'aller plus profond dans ses implications.
Et il y a des milliers d'histoires comme celle-ci, que les gens lisent simplement comme des histoires. Presque toujours, elles sont dans les livres d'enfants, qui ne peuvent rien y comprendre; ils lisent simplement l'histoire.
Ces histoires méritent d'être lues par ceux qui méditent, qui ne sont plus infantiles, qui ont une certaine maturité, de telle sorte qu'ils puissent en mettre à jour le sens caché.

Quand vous trouvez de telles histoires, vous pouvez me les apporter. Elles contiennent la sagesse des siècles.

Osho, The Transmission of the Lamp. Le matin du 26 mai 1986