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Transcender la croyance : une voie de libération

pleine lune

Michael Misita

Michael Misita est un acteur et un conférencier américain réputé, qui propose également des séminaires sur le thème de la transformation personnelle. Il a animé pendant 11 ans une émission de télévision, diffusée en Californie, sur l’exploration du potentiel humain.

- L’idée qu’il faille changer de système de croyances est devenue très populaire ces dernières années : on est supposé remplacer ses croyances négatives par des positives. Dans votre livre, vous proposez plutôt de se libérer de tout système de croyances. Pourquoi ?

Michael Misita : Il ne s’agit pas de choisir entre deux alternatives, comme on pourrait le croire. Les deux approches ont leur pertinence. S’efforcer de penser de façon plus positive est une première étape dans le développement de sa conscience, c’est un processus d’entraînement rigoureux destiné à éliminer l’indécision. La mentalité ordinaire ne peut pas concevoir de renoncer à une idée sans la remplacer par une autre, car elle craint le vide. Voilà pourquoi celui qui veut commencer à changer de système de croyances doit débuter au niveau de conscience où il se trouve. On lui dit donc de remplacer des croyances perçues comme négatives par d’autres, jugées positives. Cette réalisation est d’ordinaire la première étape qu’un individu puisse accomplir et qui ait un sens pour lui. Une fois ce premier pas effectué, dans l’éveil de sa conscience, le mental se sent menacé et se met à résister, ce qui rend extrêmement difficile tout progrès ultérieur. Cette phase est le " champ de bataille " de la conscience : sans persévérance, vous n’allez pas plus loin.

Imaginez à quel point il est difficile de renoncer à ses croyances, lorsqu’on n’a pas encore pris conscience qu’une pensée plus positive crée une vie plus heureuse et plus intense, et qu’on n’a pas encore fait le moindre effort pour modifier les fondements de sa façon de penser. S’efforcer de penser de façon positive aide à devenir conscient de la manière dont fonctionne le mental. L’individu finit par comprendre que " positif " et " négatif " sont des qualificatifs relatifs qui changent constamment, et il réalise combien il est limitatif de juger une expérience en termes de " bon " ou de " mauvais ". Mais il y a un monde de différence entre s’entendre dire par quelqu’un que ces termes sont relatifs, et en faire soi-même l’expérience directe.

La plupart des gens auxquels j’ai parlé pensent que c’est une bonne chose de se libérer des pensées soi-disant mauvaises que l’on peut avoir ; mais lorsque je leur suggère de se libérer aussi de leurs " bonnes " idées, ils se sentent très mal à l’aise. S’ils commencent par passer d’un point de vue négatif à un plus positif, en développant un état de conscience qui leur fait percevoir la vie plus positivement pendant un temps, ils peuvent ensuite être prêts pour l’étape suivante qui consiste à se libérer du positif, puis à atteindre une liberté de croyances encore plus grande.

Les deux raisons principales pour lesquelles j’insiste tant sur la libération des systèmes de croyances sont les suivantes : premièrement, lorsqu’on a une idée de ce qu’est la réalité, on ne peut pas percevoir véritablement ce qu’elle est ; deuxièmement, l’énergie dépensée à être intensément attentif vous empêche d’observer de façon impartiale. Donc, lorsque je vous dis de vous libérer de vos systèmes de croyances, ou de voir la réalité telle qu’elle est, je vous incite à prendre conscience que votre mental, vos croyances, vous induisent en erreur. Les croyances ne vous permettent pas d’être ici et maintenant, elles vous privent de toute spontanéité, or la spontanéité est l’état de conscience dans lequel réside la joie. Vous ne pouvez pas penser positivement à quelque chose, lorsque toute votre énergie s’épuise à y penser négativement. De manière analogue, vous ne pouvez pas être un observateur impartial, si vous regardez à travers le voile d’idées préconçues, qu’elles soient positives ou négatives.

- Peut-on considérer la croyance comme un moyen primitif de se protéger de la peur : peur de l’inconnu, peur du tonnerre, des tempêtes, de la mort, etc., que les hommes primitifs ne pouvaient expliquer ? En d’autres termes, est-ce la croyance n’est pas une façon de masquer ses peurs fondamentales ?

M.M. : Nous essayons toujours de donner un sens au monde qui nous entoure, de façon intellectuelle. Mais cela n’est plus nécessaire lorsqu’on a moins peur et que l’on n’a plus besoin que les choses aient un sens. L’observation toute simple et la remise en question de pourquoi nous croyons ce que nous croyons, nous montrent que la croyance nous coupe de la réalité. L’observation indique que, dans les circonstances appropriées ou avec une motivation adéquate, presque n’importe qui peut croire n’importe quoi, y compris des mensonges, par besoin que telle chose soit vraie, ou de peur qu’elle soit vraie. Mon livre dérange beaucoup de gens, surtout ceux qui n’en ont lu que le titre . Ils ont peur à l’idée de jeter un regard sobre sur la façon dont ils se définissent eux-mêmes.

- Karl Popper dit que " Toute connaissance est hypothétique ", ce qui veut dire que nos connaissances ne sont que l’état actuel de nos croyances, croyances que de nouveaux faits ou découvertes changeront demain, y compris dans les sciences dures. Il semble donc difficile de se passer entièrement de croyances : ne peut-on pas plutôt apprendre à jouer avec diverses croyances et hypothèses, rester conscient que nos croyances sont des croyances (et non des faits), c’est-à-dire des façons de voir le monde et de lui donner sens, et conserver ainsi la capacité de les changer, de les adapter ?

M.M. : Votre question est très proche de ce que je me suis efforcé de transmettre au lecteur dans mon livre. L’objectif du livre n’est pas de n’avoir aucune croyance. Il est d’encourager ceux qui se sentent prêts à passer à un niveau de conscience supérieur, où les croyances sont reconnues comme des croyances, et non des faits.
Pour bien percevoir la différence qui les sépare, il faut considérer le fait d’être conscient que les croyances sont des croyances, et celui de ne pas avoir du tout de croyances, comme deux niveaux différents. Il est impossible de relater ce que signifie n’avoir pas de croyances, parce que ce n’est pas un concept qui doit être compris ; il faut le vivre. Les mots sont inaptes à parler de cet état. Le mental est trop plein d’argumentations, et ce serait, pour moi, une perte de temps. J’ai cessé d’essayer de vouloir communiquer cette notion lorsque j’écris ou que je m’adresse à des gens.

- Dans certaines traditions chamaniques, on fait tout d’abord croire des histoires effrayantes aux enfants, jusqu’à l’âge de 7 ans, âge auquel un rituel initiatique les fait confronter brutalement leurs peurs et se libérer des illusions de la croyance. Vous aussi, vous mentionnez dans votre livre une expérience cathartique puissante, qui vous a conduit à une expérience très forte de ce que signifie être libre de toute croyance. Que peuvent faire les gens pour vivre une telle expérience, pour connaître une telle percée de conscience dans leur façon de penser et de croire ? Comment aller au-delà de la pratique de certains exercices et de la simple remise en question de ses croyances ?

M.M. : " Voyez simplement les choses clairement " : tel serait ma réponse à cette question. Mais, bien sûr, on ne peut pas voir clairement lorsque l’esprit est obscurci par des croyances à propos de ce que l’on voit. D’où la nécessité d’une remise en question de ses croyances fondamentales. Si l’on remet en question ce que l’on croit pendant un certain temps, on n’a pas besoin de faire d’exercices particuliers. Observer ses croyances et les remettre en question à mesure qu’elles surgissent n’exige qu’un minimum d’effort ; on peut faire cela n’importe où, n’importe quand. Je ne considère pas cela comme un exercice.
Parfois on vit certaines expériences fortes, parfois pas. Le danger qu’il y a à rechercher et à souhaiter vivre ces expériences, ces percées de conscience, est que si notre désir est trop fort, il va créer l’expérience voulue, mais celle-ci ne sera pas réelle : elle ne sera que l’illusion d’une expérience réelle, spontanée.

- A la lecture de votre livre, j’ai eu le sentiment que votre expérience s’est affaiblie au cours des semaines et mois qui l’ont suivie ; il semble que vous ayez vécu un temps fort, puis que vous soyez revenu à un état d’être plus normal (vous en parlez d’ailleurs à l’imparfait). Comment décririez-vous votre état actuel, votre attitude à l’égard de la vie ? Quelles sont les différences entre avant et après cette expérience de libération des croyances ?

M.M. : En réalité, l’expérience ne s’est pas affaiblie au fil du temps. Je me suis surtout familiarisé avec ce nouvel état de conscience, à mesure qu’il me devenait plus naturel. L’usage de l’imparfait se réfère au point le plus fort de l’expérience, qui résulte du fait d’avoir été propulsé à un nouveau niveau de réalité que je ne connaissais pas avant. La réalité semble très intense lorsqu’on voit clairement pour la première fois. Pour ma part, je serais incapable de fonctionner au quotidien si je me trouvais en permanence dans la forme la plus intense de cet état, ou de n’importe quel autre état dont j’aie fait l’expérience ces dernières années, bien que tous aient été formidables au moment où je les ai vécus. Malgré tout, je me rappelle du moindre détail de ces expériences.
Avant d’avoir vécu l’expérience que je décris dans le livre, ma libération subite de la croyance, je me rendais parfaitement compte que j’affectais inconsciemment tout ce qui arrivait dans mon univers proche, et je ressentais le poids de cette responsabilité. J’ai donc appris à réorganiser consciemment mon univers pour le rendre conforme à la réalité que je souhaitais vivre. Je ressentais aussi une vive impulsion en moi de partager avec chacun ce que j’avais vécu, en écrivant et en enseignant.

Aujourd’hui, il y a en moi un calme général qui n’existait pas avant.
Je suis en permanence conscient d’une réalité en moi qui habite cette personnalité appelée " Michael ". Cette réalité, que je ressens comme le " vrai " moi, observe davantage et n’interfère pas avec le monde. Je sais que j’ai le pouvoir d’intervenir dans les affaires d’autrui, mais j’en suis venu à comprendre que le pouvoir que l’on restreint est immensément puissant en lui-même. Je me sens plus sage dans cette retenue de mon pouvoir, car chaque pensée et chaque acte ont leurs conséquences qui doivent être soigneusement pesées.

Je n’essaie plus d’atteindre quoi que ce soit, ni d’accomplir de grandes choses, pas plus que je n’ai le besoin de convaincre quiconque de quoi que ce soit. Je vis plus que jamais dans la réalité présente et j’accepte le monde tel qu’il est. Je suis très conscient que le passé, le présent et le futur sont contenus dans chaque instant présent, raison pour laquelle le temps a peu de signification pour moi. Il n’y a rien à chercher, aucun but à atteindre, et cependant je mène une vie très active, très riche et gratifiante. Je suis aussi extrêmement sensible au mouvement de l’énergie vitale en moi et autour de moi, et j’accepte la mort comme une donnée simple et nécessaire de la vie ; je vois la valeur de l’obscurité comme celle de la lumière. Et surtout, la vie n’a besoin d’aucune raison pour exister. Sa raison d’être est sans importance, et je trouve que sa seule existence est miraculeuse.

- L’ " absence de croyances " peut apparaître à certains comme une forme de nihilisme. Beaucoup associent " croire " à la joie, la foi, la motivation (mais aussi au fanatisme, à l’intolérance…), alors que " ne pas croire " est associé au scepticisme, au pessimisme, à un réalisme glacial. Pouvez-vous expliquer comment l’absence de croyances peut être une expérience libératrice et non une triste résignation à la réalité ?

L’absence de croyances vous donne une profonde appréciation de la vie telle qu’elle est. Les croyances sont des constructions mentales ; la foi est une qualité d’être. Beaucoup de disputes et de confusions se produisent, faute de comprendre cette différence. La croyance obstrue l’esprit, et là où il y a obstruction il ne peut y avoir de clarté. La simplicité est la liberté. Ce que les gens cherchent se trouve dans les fleurs et les rivières, dans la lune et le regard d’autrui. On le trouve partout. Si vous ne parvenez pas à trouver ce que vous cherchez dans les personnes et les expériences vivantes, vous ne le trouverez pas non plus dans les soucoupes volantes, ni dans les civilisations perdues, ni dans les écrits ou les dires de quiconque d’humain ou de divin. Les gens s’agrippent à ces choses, faute d’être capables de trouver ce qu’ils cherchent ici et maintenant. Nous ne pouvons trouver ce que nous cherchons que dans la vie. Mais il vous faut tout d’abord vous défaire de tout le fardeau éducatif, religieux et culturel que la société vous a légué, effacer l’ardoise, redevenir sauvage, redevenir innocent.

D’après mon expérience, il y a déjà abondance de joie et d’enthousiasme dans ce monde, tant dans mes relations avec autrui que dans celle que j’ai avec le monde qui m’entoure. Il y a aussi de l’intolérance et du fanatisme, mais mon monde est un monde complet. Je n’essaie pas de le rendre seulement bon et joli. Mon acceptation du monde et de moi-même, tels que nous sommes, me libère. Je peux vivre une vie ordinaire et extraordinaire : ordinaire dans mes affaires et mes échanges quotidiens, et extraordinaire, j’imagine, dans la perception que j’ai de sa perfection.

De l’extérieur, je suis simplement Michael, une personne avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses peines ; mais à l’intérieur nul ne peut connaître la joie réelle que j’ai à vivre cette vie. J’ai des croyances, mais je suis conscient qu’elles sont ce que produit mon mental par moments. Je suis conscient de ne pas être mon mental, et je suis conscient des raisons de mes croyances. Je ne me discipline pas. Je permets à la réalité de qui je suis de remonter à la surface, avec toujours plus d’acceptation, et c’est très libérateur. Ce n’est certainement pas une triste résignation. Ce genre de résignation n’est qu’une phase par laquelle passe celui qui a l’habitude de penser d’après ce mode-là. L’abandon est quelque chose de merveilleux ; c’est une rencontre joyeuse et cependant effrayante, car lorsque vous vous abandonnez à la vie, vous êtes amoureux de la vie, et en aimant la vie, vous développez un profond respect et une grande confiance en elle.

Les croyances exigent énormément d’énergie pour se maintenir. La réalité, elle, est, simplement. C’est pourquoi toute l’énergie qui se libère quand on cesse de croire devient disponible pour explorer ; et l’exploration est toujours stimulante, parce qu’elle est toujours nouvelle.

Propos recueillis et traduits par Olivier Clerc

" Se libérer des systèmes de croyances : vers la plénitude de l’être" M. Misita, Ed. Jouvence.

Voici un livre " post-New Age " qui montre comment aller au-delà des ses croyances, qui sont toujours limitées, plutôt que de remplacer les négatives par des positives, ou de troquer un paradigme pour un autre. Dans un esprit proche de Krishnamurti, Michael Misita propose de transcender la croyance pour accéder à la plénitude de l’être, sans idées préconçues, en étant ouvert, disponible, totalement présent dans l’instant.