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De l’urgence à la conscience

Dr Sophie Mainguy-Besnier

Interview avec Dr Sophie Mainguy-Besnier

Rencontre avec la Dr Sophie Mainguy-Besnier à l’occasion de la sortie de son livre:
De l’urgence à la conscience
Quand la médecine rejoint la spiritualité
chez Mama Editions

La docteure Sophie Mainguy-Besnier a aimé la médecine et l’hôpital mais une maladie, un mal-être et des douleurs intenses vont l’amener vers un chemin intérieur, une exploration de la conscience qui va révolutionner sa vision de la médecine et de la vie. Son livre est passionnant et il sort le 21 novembre chez Mama éditions, après l’avoir lu, nous avons pu lui poser quelques questions…

Vous avez exercé en tant que médecin urgentiste pendant une quinzaine d’années, vous avez été aussi médecin dans un centre pénitentiaire et vous venez d’écrire le livre : De l’urgence à la conscience Quand la médecine rencontre le spirituel où vous racontez les grandes étapes de votre vie et votre rencontre avec l’hypnose, la méditation, l’acupuncture, le massage…avant de parler de tout cela, je voudrais revenir sur la première chose qui m’a marqué dans votre livre, c’est cette la longue traversée du désert…des souffrances physiques ou psychologiques que vous évoquez…est-ce que finalement, toutes ces douleurs et difficultés ne vous ont pas obligé à un éveil de Conscience ?

Bien sûr ! Avant même d’en arriver à m’interroger sur la conscience, ces difficultés m'ont forcée à remettre en question mon niveau de qualification dans la compréhension de la vie et à explorer mon ignorance. Explorer son ignorance, se réconcilier avec elle et même s’en réjouir c’est quelque chose de très salutaire, c’est ce qui réanime la curiosité saine, celle de l’enthousiasme de la découverte et de l’amour de l’inattendu. Ce retour à l’apprentissage ou plutôt à l’expérimentation a été une révolution et m’a permis de découvrir non pas une solution, un remède à mes problèmes, mais l’infini des possibilités qui nous sont offertes à chaque instant. Quels que soient les ressentis du moment, vivre depuis cet infini, est une aventure dont le goût - en particulier de paix et de liberté- est radicalement différent.

Vous écrivez : « La maladie est de l’information qui s’exprime biologiquement. » Est-ce qu’il y a toujours un message venant de notre inconscient derrière nos maladies et symptômes ?

Je ne le dirais pas forcément comme ça parce que cela me semble limitant. Tout en nous est intelligence. Lorsque l'on évoque un message à recevoir cela sous-entend une intention définie et un transfert d’informations d’un envoyeur vers un receveur. Le corps serait celui qui tente de nous faire parvenir une sagesse ou une punition que l'on ignore. Mais cette vision fait obstacle à la réalisation de notre propre unité. Le corps, le déséquilibre, l'interprétation que l'on en fait, les tentatives de correction que l'on entreprend : tout est nous, tout est la vie en mouvement qui s’exprime selon l’amour ou le refus qu’on en a. Notre inconscient abrite l’infini, nous ne pouvons donc pas définir avec certitude ce qui se manifeste dans un corps en déséquilibre. Notre conscience du réel est bien trop limitée pour cela.
Quoiqu’il en soit, il est très conflictuel de se battre contre la maladie comme si elle était en dehors de nous, étrangère à ce que l'on est. Refuser la maladie est un réflexe habituel pour tenter de s'en débarrasser mais dans ce refus c'est sa propre souffrance que l'on bannit. C’est peut-être là le message dont vous parlez, celui de nous écouter plus largement, plus intimement, pour se découvrir dans une universalité insoupçonnée.
L'expérience du corps en difficulté est là pour nous rassembler, pour nous inciter à nous embrasser en totalité. Nous unifier au travers d'un amour complet, celui de notre corps mais aussi celui de notre système de défense, de notre psychologie, de toutes nos expériences (même les plus difficiles), de notre environnement, de notre condition et même de notre espèce humaine. Notre ignorance perpétue la détestation de ce que l’on est.
Or ce que démontre Kelly Turner dans son étude des rémissions radicales et ce que mon expérience confirme, c’est combien la libération émotionnelle, l’écoute de son intuition et l’amour sain de soi (entre autres) et de la vie sont des leviers décisifs de la guérison.
Le symptôme c’est de l’amour qui s’époumone et cherche à remonter à la surface, c'est de la santé en gestation.

Votre expérience dans le milieu carcéral est très intéressante. Vous avez rencontré des prisonniers avec des passés lourds et leur vie en prison est loin d'être évidente mais en même temps vous avez réalisé que chacun est humain et vous écrivez : « Rencontrer véritablement quelqu'un, c'était le laisser être neuf à chaque instant. »

Lorsque l’on se réfère à l'humanité de quelqu’un, on cible ses qualités de cœur, sa compassion ou son authenticité. On ne vante pas ses qualités analytiques ou entrepreneuriales, on parle de la générosité ou encore de la justesse qui émergent de lui. Laisser quelqu'un être neuf à chaque instant c'est précisément le regarder depuis son cœur. Cette disposition est la seule qui permette une rencontre véritable. Une rencontre, c'est deux cœurs qui se connectent et qui reconnaissent ce qu'ils ont en commun et notent en quoi ils diffèrent, sans crainte ni rejet.
Notre condition humaine habite elle-même une prison globale qui évalue la vie au travers des pensées, lesquelles sont conditionnées par nos histoires personnelles. Lorsque l'on entre en contact avec l'autre depuis sa tête, on le projette dans nos souvenirs, dans nos appréhensions et dans nos jugements. On ne le perçoit pas véritablement tel qu'il est mais seulement à travers notre morale et notre rangement du monde. Au-delà de toutes les recommandations altruistes à ne pas réduire quelqu'un à ses erreurs passées, entrer en relation c’est le faire dans un état d'ouverture qui cherche sincèrement la connexion.
C’est cette connexion qui assure un lien véritable. C’est aussi elle qui nous expose à des possibilités de ressentis désagréables. Lorsque l’on ouvre son cœur, on perçoit une réalité plus complète mais aussi plus brute, plus vivante. Cela nécessite d’accepter l’ensemble, de prendre la responsabilité de son vécu intérieur. Parce qu'elle cultive un socle d’espace et de calme, qu’elle permet la dédramatisation de la vie sensorielle, la méditation nous aide à ouvrir notre cœur et à avoir une vision plus juste et plus sereine des existences.

Vous racontez dans le livre vos difficultés parfois à exercer la médecine avec intuition, à intégrer la dimension sacrée de l’humain, il y a le jugement de certains médecins, l’ego du sachant, les directives médicales mais à la fin du livre, j’ai l’impression que quelque chose en vous est plus apaisée et que vous êtes moins dans la frustration ?

Oui c’est très vrai. Dans mon expérience de maladie j’ai vécu une forte désillusion vis à vis de ce qui était alors mon corps de métier. Comme un parent que l’on aurait trop idéalisé, prendre conscience des failles et des imperfections de la médecine comme de son impuissance à mon égard a généré de la frustration et de la confusion. Mais la frustration n'est qu'un angle de vue issu d'un jugement apeuré et, par la suite, la vision plus profonde de la conscience a embrassé toutes ces craintes et ces condamnations. Parfois notre expérience est agréable, parfois elle est inconfortable. Elle n'est pas toujours ce qui nous fait plaisir mais elle est ce dont nous avons besoin pour entrer dans l'intimité réelle de la vie.
Cela ne veut pas dire que rien ne peut être fait pour améliorer la qualité des soins d'une façon générale et la prise en compte des dimensions invisibles de l'humain en particulier, cela veut simplement dire que c'était l'expérience parfaite pour me permettre de réaliser cette nécessité.

Vous préconisez une médecine intégrale qui fasse la synthèse entre le savoir médical, les progrès technologiques et une meilleure compréhension de l’humain au niveau émotionnel, mental, énergétique et qui tienne compte de la Conscience. Pensez-vous que cette médecine intégrale est en train de se développer en France ?

On s'en approche plus ou moins timidement. Il y a cette réalité que 70 % des Français consultent le monde du soin alternatif et que la culture du bien-être est chaque jour un peu plus grandissante. Il devient donc évident que chacun ne peut plus se contenter d'être simplement fonctionnel, que l'épanouissement et la quête de sens deviennent la norme. Ces questions sont de plus en plus reliées à l'état de la santé et il devient commun d'assortir la prise en charge organique et physique à des pratiques d'apaisement intérieur. Pour autant il n'est pas encore officiellement validé et intégré par la médecine occidentale que l'intrication de ces différentes sphères d'existence est totale, non plus qu'il soit admis qu'il existe une anatomie énergétique subtile qu’il est important d’harmoniser. Le franchissement de ce pas ainsi que l'affirmation de la primauté et de l'unité de la conscience sont pour moi ce qui marquera la pleine entrée dans la réalité d’une médecine intégrale.

Il y a actuellement des attaques verbales assez dures entre certains pro naturopathie et certains pro médecine allopathique, on a eu la même chose avec le covid…le point de vue de la majorité du corps médical semble à l’opposé de certains acteurs du milieu du bien-être et développement personnel. Est-ce que ces divisions ne montrent pas que nous avons encore du mal à discuter et à se compléter au lieu de se diviser ? Est-ce un problème d'équilibre cerveau gauche / cerveau droit ?

On peut effectivement faire un parallèle entre cette opposition et toutes les autres : cerveau gauche / cerveau droit, masculin/féminin, yin et yang, pour ou contre, acceptation ou refus. On peut aussi préciser que cette méfiance est tout à fait réciproque et que le milieu du soin alternatif n'est pas non plus un grand fan de la médecine académique
Il s’agit toujours de cette même habitude, celle qui consiste à mettre en opposition ce qui a vocation à être complémentaire, ce qui, en réalité, est totalement interdépendant. Pour moi la réalité est que l’on n’aura jamais un art du soin qui répond réellement aux besoins tant que les savoirs qui ont trait à l’intelligence de vie ne seront pas intégrés à la médecine ; qu’il s’agisse de ceux de la naturopathie, de la médecine énergétique ou de la puissance de la conscience. De même, à l'heure actuelle, ces autres qualités de soins ne sauraient se priver d’une grande partie de l’interventionnisme médical. La confrontation n’est pas obligatoire, elle est le résultat de nos biais cognitifs et de notre ignorance. Plus la double culture sera possible et acceptée, plus ce sera au bénéfice des personnes et du progrès.

Vous expliquez à la fin du livre que nous sommes à un virage spirituel de notre espèce. « Il ne s'agit pas d'inventer une nouvelle religion ou d'accueillir un nouveau prophète, il s’agit d’étudier les mécaniques subtiles, de reconnaître la Conscience aimante, l’Intelligence Universelle qui préside à l’existence des mondes afin de se mettre au service de sa vitalité ». Vous parlez donc d'intelligence de vie, d'une véritable science de l’intérieur...rien à voir avec les croyances religieuses ?

La science et la religion ont (plus ou moins consciemment) confisqué le rapport au mystère de notre origine. Elles ont préempté notre responsabilité spirituelle et notre exploration de conscience en définissant ce qui est possible ou non, réel ou pas, bien ou mal. Cela nous a dépossédé de la connexion avec notre profondeur. Mais sous nos jeux culturels, il existe cette intelligence universelle qui fait naître la vie, sélectionne ses programmes, assure sa cohérence et prospecte à son évolution. On peut appeler cette splendeur comme on veut : Dieu, l’Un, la Conscience, le Très Haut, l’Absolu, le champ morphogénétique ou encore l’ordre implicite (du physicien David Bhom). Cela n’a pas d’importance. En revanche, il importe de se savoir appartenir à cette unité pour ne pas se faner dans un individualisme aussi désespérant que délétère. Il importe aussi de savoir que, grâce à notre conscience, nous n'avons pas besoin d'intermédiaire pour être en lien ou en immersion avec notre tissu originel. C’est notre droit de naissance et c’est servir la vie que se le réapproprier.

 

Interview réalisée par Emmanuel Moulin pour Meditationfrance