meditationfrance, méditation, tantra, connaissance de soi
Les archives de Meditationfrance

Yogas tibétains, Energétique tibétaine et Méditation

yogas tibétains et méditation

Interview de Valérie Lobsang-Gattini

Qu'est-ce que l'Energétique Tibétaine ou le yoga tibétain ?

Il s’agit des yogas pratiqués dans le système tibétain. Ces pratiques ne sont pas uniquement des pratiques sur le corps, dissociées de l’ensemble formé par le système tibétain. Nous sommes dans un contexte de thérapie holistique prenant en compte l’individu dans son ensemble corps, esprit. Dans la pratique des yogas tibétains, nous utilisons le corps grossier (physique) pour agir sur le corps subtil (énergétique), sans nous couper des aspects mentaux et spirituels du bouddhisme. Ces pratiques sont répertoriées dans le Vinaya qui regroupe l’ensemble des pratiques de la communauté monastique et utilisent également les fondements des pratiques Bön en ce qui concerne les 5 éléments.

Pouvez-vous nous parler de Tulku Lobsang qui a été je crois un de vos enseignants/maîtres ?

Je suis rimé c’est à dire que je suis plusieurs maîtres issus de différentes écoles tibétaines. A titre personnel, je suis les enseignements Bön de Tenzin Wangyal Rinpoche, le Bön étant à la source de toutes les traditions tibétaines. J’enseigne la méditation et le yoga Kum Nyé, sous la lignée de Tarthang Tulku dans la tradition Nyingmapa, lequel est un érudit extraordinaire nous amenant à comprendre et percevoir les relations entre nous, le bonheur, le temps, l’espace. Et j’enseigne le Lu Jong et le Tog Chöd sous la lignée de Tulku Lobsang. Tulku Lobsang est un jeune maître, 8ème réincarnation de Tulku Nyentse. La 1ère réincranation de Tulku Nyentse fût l’abbé du monastère de Gaden près de Lassa. A sa 5ème réincarnation, il fût un très grand yogi reconnu pour ses facultés de magie. Aujourd’hui, Tulku Lobsang est un maître bouddhiste ayant reçu les enseignements Bön durant son enfance, puis il étudia les enseignements Gelugpa et les traditions secrètes Jonang de Kalachakra ainsi que les traditions du Mahamudra. Il fût prédit durant son enfance qu’il voyagerait beaucoup et aujourd’hui la particularité de Tulku Lobsang est d’avoir amené les pratiques yogiques tibétaines en Occident. C'est en 2000 qu'il commence à donner des enseignements et des conférences sur la médecine tibétaine, le bouddhisme et l'astrologie. En 2002, il établit le Centre Bouddhiste Médical Nangten Menlang et commence à enseigner et former des professeurs et des éducateurs occidentaux.

Au contact des Occidentaux, Tulku Lobsang a décidé d’adapter les mouvements thérapeutiques du Lu Jong, lesquels sont pratiqués dans les différentes écoles tibétaines et regroupent plus d’une centaine de mouvement. Il a ainsi élaboré une vague énergétique composée de 23 mouvements clés permettant de travailler à la fois sur le corps et l’esprit. Une pratique qui prend environ 45 minutes à pratiquer chaque matin pour en ressentir les bienfaits dans nos vies.

Mais amener cela était un challenge car selon la tradition, toutes les pratiques yogiques tibétaines fûrent toujours enseignés de manière secrète et jamais auprès des laïcs. En décembre 2013, en audience privée auprès de Sa Sainteté le Dalaï Lama, Tulku Lobsang présente l'intégralité des enseignements qu'il a développés auprès des Occidentaux : Lu Jong, Tog Chod, Tummo, Tsa Lung, Gang Gyok, Mindfullness, Yoga du Rêve et du Sommeil, …. la liste est longue… Durant cette audience, Sa Sainteté le Dalaï Lama demande alors à Tulku Lobsang d'apporter la pratique du Lu Jong auprès des Tibétains, donnant ainsi son accord historique pour un enseignement public. Cette validation de la part de Sa Sainteté le Dalaï-Lama est donc une avancée considérable.

C'est ainsi qu'en 2015, Tulku Lobsang a délivré 23 enseignements dans toute l'Inde, de Delhi à Dharamsala, de Mundgod à Bylakuppe. Il enseigna dans 11 écoles tibétaines du Tibetan Children Village. Il apporta l'enseignement du Lu Jong dans les nonneries Shugseb, Jamyang Choeling et Dolma Ling. Il poursuivit la diffusion de cet enseignement dans les monastères de Gaden Shartse dans le sud de l'Inde, de Drepung Loseling, et aussi à l'Institut Norbulinka, au monastère tantrique de Gyuto et à Tsuglagkhang, le temple du Dalaï Lama à Dharamsala. Il donna également un enseignement sur les bienfaits du Lu Jong et du Tsalung auprès des étudiants en médecine du collège du Men Tse Khang. Ce sont ainsi plusieurs dizaines de milliers d'enfants, étudiants, adultes laïques, nonnes et moines qui ont pu découvrir et bénéficier de l'enseignement du Lu Jong.

Ceci pour expliquer que Tulku Lobang joue un rôle majeur dans la propagation de ces pratiques yogiques en Occident et aussi maintenant auprès du peuple tibétain. En effet, autrefois réservées aux pratiquants yogis, ces approches simplifiées permettent à chacun de rentrer dans un équilibre intérieur, associant vie moderne et pratique thérapeutique ancestrale, pour développer un équilibre stable nous permettant d’évacuer le stress et de vivre les tensions de la vie avec souplesse.

Yogas tibétains et Méditation

J'ai vu aussi que vous aviez médité à 3842 m.... face au mont Blanc durant une retraite fin 2016...cela doit être quelque chose ! Quelle a été votre expérience ?

Oui nous avions médité à 3842 m mais à mes yeux ce ne fût pas le meilleur endroit en terme de qualité car les terrasses de l’Aiguille du Midi restent assez fréquentées, et bien que l’on soit au plus haut, nous sommes dans un environnement « non naturel ».
Personnellement je préfère les nombreux autres lieux où nous allons pratiquer les yogas tibétains et méditer comme le nid d’Aigle, situé à 2500 m d’altitude. Nous nous y rendons avec le tramway à crémaillère du mont Blanc, et presque à chaque fois nous avons l’occasion de pratiquer ou méditer avec les bouquetins !
Ou encore le lac Vert, situé à 1300 m d’altitude, nous offrant des salles de pratique extraordinaire, ou bien le barrage d’Emosson que l’on rejoint en empruntant le funiculaire le plus raide d’Europe.

Comment comprenez-vous cet état de non-soi et de vacuité dont les maîtres tibétains parlent ?

Nous sommes tous constitués d’un corps, d’un esprit, et nous vivons tous en lien avec nos pensées et nos émotions. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous ressentons, tout ce que nous disons, tout ce que nous pensons, est en fait filtré par des voiles illusoires. Des voiles teintés par nos pensées et nos émotions. Le but des enseignements est donc de nous amener à comprendre que lorsque nous nous libérons de nos pensées et de nos émotions, alors émerge une autre réalité. Cette autre réalité est notre nature profonde et réelle. Elle est sagesse car elle est partie d’un tout. Le tout de la vie, de l’univers, de la connaissance, du temps.

Notre ignorance est le fait de notre croyance en un soi indépendant ; nous sommes dans une recherche permanente à satisfaire nos attentes, tournés vers le futur, et donc plongés dans l’attachement ; de la même manière, nous sommes dans une recherche permanente à fuir nos peurs, ancrés dans le passé, et donc plongés dans les colères. Pour simplifier, tout ce qui nous arrive en bon génère de l’attachement, tout ce que nous perdons génère de la colère. Nos esprits sont donc constamment lancés dans une course incessante entre passé et futur.

En apprenant à vivre dans l’instant présent, nous parvenons à amoindrir nos saisies. Le calme s’installe. Le calme est la voie vers la sagesse. Dans le calme, nous pouvons alors, en affinant nos perceptions à travers des techniques spécifiques, doucement entrer en contact avec notre être lumineux, notre Nakpa. Nos corps ne sont pas que matière, mais bien énergétiques. D’où le fameux « feel it » répété inlassablement par les maîtres. Feel ! Ressens ! C’est par là que nous pouvons cheminer vers une nouvelle perception de nous. Doucement nous cheminons de la perception du Lu, notre corps physique, vers le Kum, notre corps énergétique. Nous allons alors pouvoir ressentir la Félicité et la Vacuité qui ne sont pas des concepts à intellectualiser mais des ressentis. On dit d’ailleurs « réaliser la vacuité » et non pas « comprendre la vacuité » car il n’y a rien à comprendre, il n’y a qu’à être dans ce cheminement. De même la félicité est un processus de ressenti et non pas d’intellectualisation. L’union de la vacuité et de la félicité, ou union de la sagesse et de la méthode, est la réalisation de la claire lumière, laquelle est l’expérience de l’éveil.

Ce processus s’effectue à travers de longues années de pratiques durant lesquelles le yogi travaille sur les canaux, les gouttes subtiles et les vents. Les réalisations de la vacuité et de la facilité étant les manifestations des dissolutions des gouttes et des vents dans le canal central. Lorsque l’on accède à ces réalisations, notre concept du soi indépendant n’est plus, notre concept du je, du soi, entrant alors en dépendance du corps subtil, et en dépendance avec l’état de vacuité, de félicité, de claire lumière, un état qui n’est qu’espace, clarté, luminosité, vibration, amour, qui est nous sans être nous, qui est tout sans être tout, nous reliant ainsi au fait que nous sommes en réalité qu’une seule et même énergie.

Dans les pratiques de yogas tibétains enseignées en Occident, nous travaillons avec les canaux, les vents, afin de commencer le tout début de cette sensibilisation au corps énergétique. Nous établissons les bases pour nous permettre ensuite de cheminer vers des tantras plus hauts.

Je ne suis pas un Bouddha, je ne suis pas un maître tibétain, ces explications ne sont donc que le reflet de ma compréhension au jour d’aujourd’hui, en cet instant… elle évolue en permanence, se corrige, s’ajuste, chemine…

Yogas tibétains et Méditation

Vous êtes une femme et la mère de trois enfants, est-ce que selon vous quelque chose est différent dans la pratique méditative ou dans la manière d'approcher la vie en générale et l'Energétique Tibétaine en particulier ?

Je ne pense pas qu’il y ait de différence entre un homme et une femme dans la pratique méditative. Bien sûr, les femmes sont plus en lien avec les éléments Eau et Vent et le centre énergétique du coeur, alors que les hommes sont plus en lien avec les éléments Terre et Feu et le centre énergétique du nombril. Cela va donc poser des prédispositions mentales et émotionnelles du fait des qualités des éléments. Mais au final, le travail du yogi ou de la yogini sera le même. Nous cherchons tous à dissoudre les vents dans le canal central, le but est le même, il y aura de légères différences au niveau de la méthode, mais nous allons au même endroit. Chacun devra équilibrer les 5 éléments, même si au départ nous partons sur depuis des bases différentes. Il y a a eu des yoginis tibétaines exceptionnelles telles que Yeshe Tsogyal qui réalisa le corps d’arc en ciel lorsqu’elle quitta ce monde, signe de réalisation ultime, Machik Labdrön qui fût la fondatrice de la pratique du Chöd, et de nos jours de nombreuses yoginis délivrent de magnifiques enseignements comme c’est le cas de Jetsuma Tenzin Palmo qui a médité durant 12 années en retraite dont 3 années de retraite restrictive dans une grotte himalayenne, Pema Khandro, et bien d’autres...

 

Interview réalisée par Emmanuel Moulin pour meditationfrance