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La Méditation de Pleine Conscience : un équilibre dynamique entre l’attention focalisée et l’attention globale

Marc Scialom

Par Marc Scialom

Deux qualités sont essentielles dans la méditation : la concentration et l’ouverture. 
Par la concentration, l’attention apprécie les détails des sensations, perceptions, émotions, pensées.
Par l’ouverture, l’attention est pleine, unifiée, en lien avec la totalité de ce qui est.

Dans la nature, nous sommes habituellement dans un univers sonore et une partie de notre attention absorbée dans nos pensées, ne perçoit pas la complexité et la richesse de l’univers sonore : le chant de cigales, son rythme, celles qui sont proches et celles qui sont loin, le bruit de la bise constamment changeant, le bruissement des feuilles das arbres, à gauche, à droite devant derriére, au-dessus… un avion à moteur passe dans le ciel et toutes les harmoniques de sons se déclienent au fur et à mesure qu’il s’approche puis s’éloigne de nous, de même avec le bruit  des voitures.
L’attention pénétrative, yang, nous permet de distinguer, de différencier et ainsi de vivre plus intensément le moment présent.
L’attention ouverte, globale, yin, permet le lacher-prise et l’abolition des frontières illusoires entre le moi et le non-moi, de dissiper le mirage de la séparation de l’homme et de la nature.

L’attention focalisée ou samata en sanskrit prend souvent comme premier objet de l’attention le souffle.
Lorsque l’attention s’égare dans des trains de pensée ou vers d’autres perceptions ou sensations, la pratique nous invite à 
1-noter ces pensées, sensations, perceptions, émotions : en faire une note mentale courte
2- suspendre l’intérêt pour la poursuite de celles-ci 
3- revenir à être témoin des sensations qui accompagnent moment après moment la respiration (focalisée soit dans le bas de l’abdomen ou dans les narines)
Samata conduit à suspendre la direction attentionnelle habituellement portée vers les multiples objets de manipulation lui substituant un objet unique neutre souvent le souffle. 

L’attention ouverte ou Vipasyana consiste à étendre la conscience à tout ce qui est, à la clarté dans l’examen soigneux de tous les phénomènes.
" Vipassana réfléchit cette attention dès qu'elle a été suffisamment disciplinée, vers le grain fin de ce qui se vit. » Michel Bitbol
Rig-Pa, synthèse de Samata et de Vipasyana consiste en une posture d'accueil si universelle qu’elle s’étend à elle-même, dissolvant toute notion de dualité entre la conscience et les phénomènes. 
Riga est pure conscience « Les êtres sensibles ne sont jamais séparés de cette inchangeante nature innée, pas même un instant, et pourtant ils ne la voient pas. Tout comme la nature du feu est chaleur, et celle de l'eau, humidité, la nature de notre esprit est rigpa, conscience non-duelle.Tulku Urgyen Rinpoche »

A l’écoute d’un concerto de Mozart, l’attention pénétrante nous permet d’écouter les voix d’accompagnement : les voix des violoncelles, des contrebasses, des altos, des tubas. Au lieu de ne prêter attention qu’à la ligne mélodique, nous entrons dans les distinctions qui nous permettent d’apprécier la polyphonie. L’attention focalisée a besoin d’être complétée par l’attention ouverte qui replace les divers instruments bien différenciés dans une globalité. 
L’attention ouverte, yin, apporte détente, lacher-prise, ouverture à la grâce. 
Maintenir une attention qui prend en compte de manière distincte et différenciée les voix de chaque pupitre, représente une exigence dans la présence.
Ecouter ainsi la musique représente à part entière un entrainement à la méditation.

méditation

L’attention globale représente la prise en compte de la totalité. 
Mozart exprime cette dimension qu’il appelle « gleich alls zuammen » lorsqu’il compose de la musique :
« Tout ceci met le feu à mon âme, et pour autant que je ne sois pas dérangé, mon sujet s’élargit de lui-même, devient méthodique et défini, et l’ensemble, aussi long qu’il soit, se tient quasiment en entier et fini dans mon esprit, de telle façon que je puisse le survoler comme une belle peinture ou une somptueuse statue, en un coup d’œil.
 Jamais je n’entends dans mon esprit les parties successivement, mais je les entends toutes en même temps (gleich alls zusammen), le délice que c’est, je ne peux le décrire!  Toute cette invention, cette production, prend place dans un rêve aussi vivant que plaisant. Toutefois l’écoute réelle du «tout ensemble» reste néanmoins le meilleur. Ce qui a alors été produit je ne l’oublie pas facilement, et ceci est peut-être le plus beau cadeau pour lequel je remercie mon Divin Créateur.
 » 

Il s’agit donc d’apprendre à faire une synthèse de cette paire d’opposés: attention focalisée et attention globale.
Si nous poussons le curseur trop loin dans l’attention pénétrative, nous nous perdons dans l’analyse des détails, trop de yang, dans une concentration qui provoque à la longue des tensions, une circulation accrue de l’énergie, possiblement une agitation mentale.
Si nous poussons le curseur trop loin dans l’attention globale, nous pouvons nous perdre dans l’indifférencié de la globalisation, trop de yin, dissolution de l’attention, mollesse, rêverie, torpeur, un manque de tenue, dispersion…
Dans l’équilibre dynamique de l’attention pénétrante et de l’attention unificatrice, la pratique de la méditation est un Tao vivant, régénérée, moment après moment.

Marc Scialom