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La promenade

kaveen

Correspondance à propos de la méditation par Kaveen

Kaveen a suivi la voie de la méditation depuis plus de 25 ans. Kaveen a écrit des lettres magnifiques qui résument « sa promenade », ses questionnements, ses expériences, ses réalisations tout au long de sa vie.

Extraits :

Evidemment, les questions sans importance viennent rapidement frapper à la porte de ton esprit. Celle que tu me poses aujourd’hui en est une qui marque fréquemment le retour de la pensée défensive: d’où vient l’envie de changer?
Il y a, pour certain d’entre nous, une sorte de lassitude dans la misère, une sorte de fatigue de ce jeu de frustration, de consolation et de cécité. Peut-être, pour d’autres, l’inconscience et la soumission aux structures mentales sont douces et sécurisantes au début, mais finissent par écœurer. Pour d’autres encore, c’est leur caractère mortel qui, passé le milieu de la vie, peut faire naître une sorte de rejet des règles acquises et le goût d’une façon nouvelle, consciente et amoureuse de vivre. Souvent, les yeux commencent à s’ouvrir à la suite d’une épreuve douloureuse, d’un accident, d’un décès, d’un grave ennui de santé. Nombreuses sont les personnes qui ont fait le saut un jour sans réfléchir, un peu par provocation, un peu par goût de l’aventure, un peu par lassitude du passé, lorsqu’un sentiment inconnu est venu les troubler un matin: “ Il doit y avoir autre chose dans la vie! Ça ne peut pas n’être que ça...”

Chacun a une chance personnelle de venir à la transconscience et cette question, plus que toute autre, n’a pas de réponse générale. Pourquoi ai-je commencé à marcher sur le chemin de mon âme, quelle distance avais-je déjà parcourue sans le savoir, pourquoi ai-je découvert ce chemin à travers une fantastique histoire d’amour avec mon maître spirituel Osho, d’où m’est venu cet amour, comment ai-je pu dire oui à ce bouleversement, en ignorant où il me mènerait, pourquoi en ai-je fait une sorte de vocation, et cette implosion en l’été 81, et les travaux de déblaiement, et la lente reconnaissance du vide et de la poésie, pourquoi, pourquoi? Je ne sais pas, tu ne sais pas. Cela est la vie même: un mystère à vivre, et non pas un problème à résoudre...

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La peur qu’inspire la transconscience est quelque chose de bien naturel. Après tout, nous sommes nés sans raison. Nous n’avons qu’une perspective: celle de vivre, c’est-à-dire de prendre soin de notre corps et de notre esprit le mieux possible, et puis de vieillir et de disparaître sans plus de raison. Si l’expérience de la vie qui nous est offerte est entièrement contenue dans ce processus élémentaire de survie physique et mentale, pourquoi se découvrir une âme? La vie elle-même est une chose simple, et l’immense majorité des humains traversent leur existence sans jamais s’être interrogés sur quoi que ce soit qui dépasse les questions liées à leur survie, leurs implications psychologiques et leurs plaisirs. Je te le répète encore: la recherche de ton âme est inutile au déroulement ordinaire de ta vie. Pourquoi donc avoir peur de quelque chose d’inutile?

Mon ami, il n’y a rien comme la méditation qui donne le plus fortement l’impression de mourir. Notre mental est un remarquable outil forgé par l’évolution et efficace dans sa tâche, qui est d’assurer la survie. Une très longue histoire a donné à cet instrument d’innombrables capacités, fortes et subtiles, pour apporter la sécurité à l’existence physique et morale de son propriétaire, et a bien entendu profondément socialisé sa nature même.
Pour cela, nous sommes identifiés à ce mental. Nous en avons fait notre ultime réalité en même temps que la source de notre sécurité psychologique. Nous l’avons ainsi laissé nous dominer, nous absorber dans ses multiples modèles de conduites, de comportements, de morales, de philosophies, de religions, de savoir scientifique et technique, et d’expressions artistiques, culturelles, linguistiques. Nous n’avons que très rarement fait l’expérience concrète que nous ne sommes pas notre mental, car alors que serions-nous?
Ce n’est pas à peine sorti d’une vie entière de soumission au mental, à peine un premier pas fait en dehors de ses règles et habitudes, que nous pouvons donner une réponse à cette question. D’ailleurs, il n’y aura jamais aucune réponse exhaustive à cette question, car ce processus de désidentification du mental te mène dans un espace où la vie est une évidence existentielle qui n’a besoin d’aucune certitude raisonnée.

Et pourtant, chacun d’entre nous a fait au moins une fois l’expérience d’un espace au-delà du mental. Cette expérience a pu être un moment de bonheur suspendu et silencieux, ou le moment même où tu es tombé amoureux. Elle peut être encore dans la surprise d’un geste compatissant, dans le rire d’un enfant, dans n’importe quoi qui, pour deux secondes, suspend les interprétations de ton mental et ne répond qu’à une perception pure, en synchronicité avec sa fraîcheur, son innocence, bref dans tout ce qui, dans le temps d’un clin d’œil, nous ramène dans notre présent, hors du contrôle du mental.

La possibilité t’est alors donnée de découvrir, par delà l’emprise de la pensée et du conditionnement psychologique, ton véritable visage, qui est l’expérience même de la vie, cette expérience que j’appelle l’âme. Ces “deux secondes d’âme” sont rares. Je n’ai jamais connu personne qui, en reconnaissant soudain l’existence de ces quelques moments de vide, de sérénité, de calme, n’en ait pas gardé un souvenir lumineux. Alors pourquoi ne pas vivre ce temps présent comme une réalité existentielle permanente? Et la peur commence...
Elle est facile à comprendre. C’est en fait la seule réaction possible du mental face à un événement qui le dépasse. La peur est un système d’alarme que le mental secrète pour avertir qu’il y a danger de perdre le contrôle qu’il exerce sur tes habitudes de vie, tes réflexes et tes visions des choses. Pour ton mental, perdre le contrôle, c’est le même sentiment de panique, c’est la même angoisse de voir toutes tes lignes de défense défaites et dépassées, c’est le saut dans un espace incontrôlable, ingérable rationnellement, et non réductible à ton système de pensées, c’est perdre les pédales, c’est disparaître... C’est le même sentiment que celui de la mort.
Cela m’a pris beaucoup de temps, beaucoup d’efforts, de courage et d’honnêteté, de persévérance et de patience, pour m'apercevoir peu à peu que cette magnifique et silencieuse petite mort, que j’avais si intensément et si complètement vécue à la fin de l’été 81, était en fait la liquidation du pouvoir que mon mental, mon moi, mon ego exerçaient sur ma vie, et la libération de leurs chaînes. Passé le mental, l’expérience de l’âme, au contraire de la mort, a toujours été désignée, sous une forme ou sous une autre, par tous ceux qui l’ont connue, comme une vie nouvelle, une renaissance, une expansion formidable de notre capacité à jouir du seul fait d’exister, à être, à s’installer dans le présent, dans ­l’immense et éternel flot de la vie...

La peur que la vraie méditation et ses techniques inspirent est le signe que tu marches sur le bon chemin. D’ailleurs, tu auras remarqué que cette peur s’accompagne souvent d’une excitation prometteuse, semblable à celle d’un enfant la veille de son anniversaire! Laisse ton mental avoir peur, et ne le laisse pas te forcer à faire demi-tour. Laisse-le se moquer, crier, pleurer, déprimer, et continue ta promenade. Très vite, les moments de joie, de bonheur intérieur, d’humour innocent vont se multiplier et te détacher de ton mental et de ses limitations.

Extrait de l’ouvrage : Kaveen – La promenade – Correspondance à propos de la méditation