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Etre Chamane au 21ème siècle en occident, quel sens cela a-t-il?

chamanisme

par Claude Paul DEGRYSE
Éclaireur Toltèque

Le titre ci-dessus est une question que l’on m’a posée à plusieurs reprises. Je vais tenter d’y répondre. Je ne pourrais pas entrer profondément dans le détail car cela nécessiterait beaucoup plus de place que n’en prend cet article et aussi de développer de façon théorique des explications qui deviendraient vite peu compréhensibles parce qu’elles ne seraient pas accompagnées d’expériences vécues permettant de les intégrer au fur et à mesure.

D’abord être chamane au 21ème siècle n’est en rien différent du fait d’avoir été chamane il y a 50 siècles tout comme être chamane dans la Lozère n’est en rien différent du fait de l’être au fin fond de la Sibérie ou de l’Amazonie ; à condition que nous parlions d’un authentique chamane.

Certes la « civilisation » (on comprendra que mes guillemets suggèrent quelque scepticisme concernant l’éventuelle valorisation de ce mot) a étalé dans nos esprits de nombreuses couches psycho-culturelles qui ne facilitent pas l’accès à cette vision archaïque et hylozoïste du monde qui caractérise le regard du chamane. Pour ma part, cela n’a pas présenté la moindre difficulté et je suis entré dans l’esprit chamanique comme on rentre chez soi après un long voyage dans un pays bizarre appelé tour à tour : la modernité, le scientisme, le « progrès », etc… J’avais 43 ans à l’époque, c’était il y a 18 ans.

Au-delà de l’exotisme mystique et des diverses modes spirituelles : hindouisme, zen, bouddhisme tibétain, taoïsme (je ne parle pas de ces voies elles-mêmes pour lesquelles j’ai du respect mais de ce qu’en font les touristes spirituels), il y a un véritable problème de déculturisation philosophique en occident qui, associé au fait que le christianisme n’a pas su renaître de ses cendres en faisant descendre le Christ de sa croix pour le montrer sous son vrai visage, celui d’un chamane qui a vaincu la mort, a réduit les occidentaux à un état de disette spirituelle. On pourrait considérer le chamanisme comme la dernière-née de ces modes et après le yoga, le kyudo, le moulin à prières et le taichi chuan, nous avons maintenant la tente à sudation, la roue de médecine et les champignons hallucinogènes. Le risque est de devenir des clowns de la spiritualité car jouer au chamane, bien sûr, ne fait pas de nous des chamanes. Essayer de devenir chamane, si l’on veut vraiment jouer le jeu, s’avère très vite assez désagréable, voire dangereux, car on joue avec la mort. Pour y prendre du plaisir, il faut faire un grand nettoyage dans nos croyances, nos modèles de raisonnement, nos comportements et réactions émotionnelles, nos façons de manger, de respirer, de regarder et, justement, dans notre rapport à la mort car celle-ci n’est pas du tout pour les chamanes ce qu’elle est pour le matérialiste moyen : l’horrible fin que manifeste un corps en décomposition, étant donné que ce corps, il a appris à en sortir de son vivant pour en relativiser l’importance (je parle ici déjà de capacités qui dépassent le niveau 1 et 2 de l’apprentissage) et comprendre, par ses perceptions et pas seulement imaginer intellectuellement, qu’il n’est qu’une fraction de conscience universelle qui pourrait bien demain se retrouver dans un arbre, un oiseau ou une mouche.

Un chamane est souvent un guérisseur. Il guérit celui qui vient le voir et qui, malade, s’abandonne à lui en toute confiance. Il intervient dans sa mémoire cellulaire pour changer quelques fréquences mal agencées de son corps de lumière. Il fait cela presque sans parler, il n’a pas ce besoin.
Par contre un guerrier de l’esprit (nom donné à un apprenti bien avancé) peut choisir d’être plutôt pédagogue. Il sera donc éclaireur et transmettra l’art de vivre et la forme d’esprit chamanique afin de former ainsi des clans de guerriers de l’esprit, d’autres éclaireurs ou des chamanes guérisseurs.

L’apprenti chamane va payer le prix pour apprendre, en termes de souffrances, de sacrifices, d’efforts et de solitude, il va même devoir mourir à lui-même tant il lui faudra abandonner de choses de son passé, pour renaître ensuite à lui-même. Ces abandons ne sont pas faciles et sur le chemin du guerrier, beaucoup s’arrêteront, préfèreront garder leurs charentaises psychiques et comportementales. Mais ces abandons sont largement compensés par des sentiments, des expériences, des découvertes et des joies d’une grande beauté. Le plus difficile est le sentiment de solitude du guerrier de l’esprit authentique dans le monde moderne. A part son clan, s’il travaille ainsi, les autres personnes le comprennent de moins en moins, ils le trouvent « fou », ils en ont parfois même peur, ils lui tournent le dos, même sa famille, la socialité est un dogme sacré de notre société occidentale qui ne voit pas l’énorme renoncement en terme de conscience que cette socialité implique (société de fourmis aux comportements automatiques et programmés pour tous se ressembler). Il n’y a pas d’équilibre dans l’éducation moderne entre la part intérieure et individuelle de la conscience et la part collective, la première va s’amenuisant de jour en jour au profit de la seconde (une termitière en un peu plus techno-dépendante que les termites).

Mais cela ne veut pas dire que le guerrier de l’esprit est asocial, bien au contraire, il a un rôle social à jouer, éclaireur ou chamane ou les deux en même temps, il travaille à restaurer l’équilibre entre les deux modalités de la conscience humaine : individuelle et sociale, parce que l’équilibre est la loi suprême de l’univers et que cet équilibre donne plus d’intensité, plus de force à la vie.
Bien sûr, le chamane est extrêmement concerné par le problème écologique car il est hylozoïste (toute forme de vie est dotée de conscience, du règne minéral au règne humain en passant par le végétal et l’animal).

Il peut apporter beaucoup à la recherche de la paix et de l’harmonie sur la terre parce que si l’écologie représente une superbe et vitale prise de conscience, elle reste néanmoins pour le moment, sous l’emprise d’un regard matérialiste du rapport de l’homme à la nature, un regard mécaniciste et froid. Avec le chamanisme, elle pourrait prendre une force bien plus considérable et gagner le combat pour la vie, parce qu’elle serait dotée d’une âme.

Bien sûr le chamanisme n’est pas vraiment l’ami du techno-économisme souvent présenté comme la grande aventure de l’homme moderne.
Certes, l’homme a besoin d’aventure, c’est précisément ce qui fait de lui un homme mais le chamanisme est plutôt prometteur en la matière. Être chamane ou vivre chamaniquement n’est pas quitter le ritualisme du pseudo confort matérialiste pour adopter un ritualisme religieux, car le chamanisme est tout sauf une religion, c’est une aventure de l’esprit : être chamane c’est chercher en s’aventurant loin dans les immensités de la conscience, bien plus vaste que n’est l’univers physique, qui n’est que sa projection matérielle.
D’ailleurs les chamanes s’appellent eux-mêmes des navigateurs de l’esprit.

Claude Paul DEGRYSE