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Interview de Christine Lorand et Dominique Vincent

par Meditationfrance

Meditationfrance : Vous êtes les auteurs du livre " Le couple sur la voie tantrique ", pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie d'être sur la voie tantrique ?

Dominique : Pour moi, c'est une porte d'entrée...comme le Bouddhisme, le Chamanisme amérindien ou le Zen, c'est une approche méditative, c'est une voie vers l'intériorité, vers la connaissance, la réalisation de soi....quels que soient les mots que l'on puisse donner...
Le Tantra affirme que notre vie amoureuse et sexuelle est la voie royale de la connaissance des mystères de la vie. Evidemment, il ne croit pas qu'une spiritualité saine puisse se construire sur une répression quelle qu'elle soit. Choisir la voie tantrique, c'est choisir l'intégralité de son expérience avec le maximum de conscience, d'amour et de passion.

Christine : L'expérience que nous faisons de la sexualité ou de la réalité de l'autre change avec la qualité de présence que nous avons avec nous-mêmes. C'est l'un des chapitres les plus essentiels du travail que nous faisons... tel que je vois les personnes en France aujourd'hui.

MF :Comment les gens vivent-ils leur relation amoureuse aujourd'hui ?

Christine : De façon très inégale et c'est clair que les gens veulent plus et mieux... Ils veulent changer, être autre que ce qu'ils sont, plus aimants ou plus performants ! Or nous, nous ne changeons personne. Nous aidons les participants à nos groupes à reconnaître et à accepter ce qu'ils sont, tout simplement. La transformation est alors possible au-delà de toute attente.
Dominique : La souffrance dans les relations et dans la sexualité est grande. Elle est d'autant plus grande que nous nourrissons d'avantage d'attentes. Nous voulons tomber amoureux, nous cherchons l'âme soeur, mais ce n'est jamais la bonne personne... A la façon dont nous nous y prenons, cela ne peut jamais marcher parce que le bonheur ne peut pas nous être donné, il est notre véritable nature. Il nous faut regarder à l'intérieur, nous retrouver, et alors la relation amoureuse devient une des expressions de notre bonheur.
Est-ce que ce n'est pas la grande force du Tantra par rapport au Zen ou au Bouddhisme de commencer par la recherche amoureuse?

Dominique : Oui, bien sûr c'est une voie qui commence là où nous sommes. Dans un premier temps pour les Français rationalistes que nous sommes, il est nécessaire de sortir de la tête pour retrouver l'expérience physique dans le présent. L'expérience sexuelle elle-même est devenu quelque chose de mental avec, pour beaucoup, le besoin d'images et de fantasmes. La première chose que nous faisons dans les stages est de ramener les participants dans leurs corps car beaucoup ne sont connectés ni avec leurs sensations, ni avec leurs émotions. Il faut reprendre possession de son espace corps. C'est se retrouver comme être vivant.

Il y a 3 mots que j'aime bien : Sensualité - Sensorialité - Sensibilité
Sensualité : Nous venons souvent au Tantra pour retrouver notre sensualité. Comme le conditionnement social actuel nous coupe beaucoup trop de notre corps, en contre partie, nous nous mettons à la recherche de sensations fortes : saut à l'élastique, alcool, musique techno, drogues, sexe hard... Quand les gens parlent de sensualité, ils manifestent leur perte d'écoute sensorielle, la perte de leur sensibilité sexuelle et amoureuse. Et alors, ils s'y prennent mal en cherchant des sensations plus fortes qui vont anesthésier encore plus leur sensibilité.

Sensorialité : C'est une des propositions majeures du Tantra : Ouvrir ses sens, tous ses sens, à tout ce qui se présente, sans choix ni rejet. Cette attitude n'est plus agressive comme la recherche sensuelle. On peut la qualifier de féminine : Je suis simplement disponible aux sensations et aux émotions présentes. Notez bien que les émotions qui nous agitent ne peuvent être perçues que par les sensations corporelles qu'elles provoquent.

Sensibilité et au-delà : Cela m'amène à devenir plus accueillant, plus sensible...à la vie, aux autres...et ensuite, il y a l'espace au delà de tout cela, c'est un retournement à 180 °, c'est la présence, la méditation... Il est difficile d'en parler... Il ne s'agit plus d'être présent, sensible à quelque chose de particulier qui m'est présenté par l'un ou l'autre de mes sens, mais de réaliser qu'au travers de tout ce qui arrive, je suis toujours une présence, une éternelle présence. C'est là que le Tantra peut nous mener, mais il est nécessaire de respecter toutes les étapes du processus et de reconnaître où nous en sommes. Je ne peux aller au-delà des sens que si je les ai acceptés et vécus, quand j'ai découvert qu'ils étaient plaisir et souffrance.

MF : De plus en plus de gens vont voir des psy, est-ce que vous pensez que cela aide de revenir sur son passé et d'en parler ?

Christine : Pour lâcher prise sur les vieilles histoires du passé encore faut-il en avoir une certaine compréhension . Je suis psychologue psychothérapeute et la thérapie permet de mettre plus de conscience dans les scénarios de notre vie. Ce n'est qu'une étape ! c'est sûr, la démarche tantrique est une expérience dans le moment qui révèle ce que nous sommes et non pas ce que nous pensons être.

Dominique : C'est vrai, le point de vue du Tantra est différent de celui de la thérapie... En tant que psy, nous aidons simplement à réduire les clivages pour que moins de choses agissent à partir de l'inconscient. Revenir sur son passé est une étape incontournable pour la plupart d'entre nous. Cela permet de mieux comprendre nos scénarios émotionnels et d'en être moins esclaves. Mais attention à ne pas tourner en rond. Avec le Tantra, il y a un saut à faire, un saut quantique et il est possible de sauter à tout moment : Je ne suis pas mon histoire ! Je suis présence, je suis amour.

MF : Le sexe est un peu le point noir de toutes les grandes religions, catholique, et musulmane notamment... et là, il semble que le Tantra apporte quelque chose ?

Christine : Oui, c'est la seule voie spirituelle qui accepte l'être humain dans sa totalité... Nous sommes conscience et amour, certes, mais nous avons un corps et des émotions... Les religions ne parlent du sexe que pour le condamner et, de plus, elles n'enseignent rien qui puisse aider à la transformation des émotions... Nous ne sommes pas que lumière et amour... nous sommes ombre et lumière ! Nous sommes des êtres mortels, c'est par la sexualité que nous nous incarnons, alors pourquoi l'ignorer ?

Le Tantra a aujourd'hui près de 5000 ans et s'il est encore vivant, c'est qu'il offre quelque chose qui nous correspond profondément... Il nous permet de vivre une sexualité sacré et cela interpelle énormément de personnes de tous les horizons, qu'ils appartiennent à un groupe religieux ou non.
Dominique : Le Tantra a toujours été quelque peu antisocial. La société et les religions fonctionnent en général avec la culpabilité pour contrôler les comportements de ses membres et le meilleur endroit pour culpabiliser quelqu'un réside dans ses pulsions sexuelles, à la source de sa vitalité et de sa puissance.

Aujourd'hui, c'est le retour du bâton. Après la répression, nous sommes dans l'excès contraire : prostitution, pédophilie, pornographie... Je ne serais pas étonné qu'on reparte dans l'autre sens. Il y a d'ailleurs des parties du monde aujourd'hui où le sexe est plus condamné que jamais !
Le Tantra que nous essayons de transmettre est lié au Chamanisme et à d'autres traditions comme celle des Baules en Inde. ouverture du cœur, chants, danses... C'est une approche souple et fluide, pleine de jeux et de plaisir.

MF : Comment en êtes vous venus à animer des ateliers de Tantra ?

Dominique : Par inconscience ! (rire...). Pour continuer d'explorer ce que j'essaie de transmettre. Animer un atelier me questionne toujours et me renvoie à ma propre démarche. Je peux mesurer la distance que sépare ce que j'enseigne de ce que je vis dans mon quotidien et me remettre au travail. Autrement j'enseignerais de belles choses mais je ne serais pas un être authentique.

J'ai grandi dans une famille catholique et je suis presque devenu prêtre et donc la rencontre du Tantra pour moi, c'était et c'est encore me reconnaître le droit de sentir, le droit de jouir et, en même temps, que c'est une voie spirituelle.

Christine : J'ai découvert le Tantra d'abord à travers une expérience, avec un partenaire et ensuite j'ai été formée en France et en Inde. J'ai retrouvé dans le Tantra énormément de choses que j'avais vécues ici ou là mais dans l'expérience tantrique je me suis sentie réunifiée. J'ai eu 17 ans en 68....et je peux vous dire que je me suis oubliée, je me suis perdue dans l'autre... Je me suis perdue dans mon mari, je vivais pour lui, et le Tantra m'a ramenée à moi-même... J'y suis venue par une voie très différente de celle de Dominique : Lui, il venait du catholicisme répressif et moi de la soit disant libération sexuelle des années 60. Mais j'étais tout aussi perdue... S'en est suivi une longue quête qui m'a mise sur ce chemin. Le Tantra est devenu une évidence qui m'a permis de me retrouver. Puis la rencontre avec Dominique m'a décidée à animer des groupes avec lui, à partager nos expériences respectives et communes du Tantra.

MF : Ils semblent que de plus en plus de femmes ont compris qu'elles se perdaient dans leur partenaire et brisent leur couple... Est-ce votre sentiment ?

Christine : Oui....bien sûr... Pour moi, c'est ce qui s'est passé... Mon mari aurait pu rester toute sa vie avec moi alors que pour moi, ce n'était pas suffisant. Il me semble que la relation sexuelle tel quel lui suffisait... et son travail !

Dominique : Pour les hommes, c'est différent. Tel que je vois les hommes, il y une perte de soi, la perte de sa vérité , la perte de ce que je suis, de ce que je veux, de la capacité de m'affirmer en face d'une femme car, si je le fais, je peux perdre son affection. C'est la responsabilité de l'homme de prendre sa place en acceptant le risque...

Il y a aussi des hommes qui sont peut-être très performants dans le business, les affaires mais quand ils rentrent à la maison, ils rampent...
On ne sait plus ce que c'est qu'être un homme... Même la loi ne soutient plus la paternité... comme si l'enfant avait d'avantage besoin de sa mère que de son père. Non, il a besoin des deux. L'homme doit réapprendre à utiliser ses qualités profondes.

L'homme ancien, l'homme des années 30, est surtout dans la structure, on lui a appris qu'il faut bomber le torse, porter le fusil, qu'il est de la chair à canon et qu'il ne doit pas trembler... Il est bardé de fer... Ca ne marche plus !
Le Tantra pour l'homme, c'est être solide et sensible. L'enseignement du Tantra permet d'en faire l'expérience et de comprendre ce qu'est le féminin et le masculin en soi et dans le couple...

Christine : De quel homme parle-t-on ?
Le rugbyman qui prend sa bière ou l'homme éternel adolescent ? Ce sont deux extrêmes : l'un n'a pas intégré le féminin et l'autre n'a pas intégré le masculin... le Tantra permet d'aller au delà et de ne pas s'identifier d'avantage au macho, qu'à un agneau trop gentil et sans défense qui cherche à faire plaisir dans l'espoir d'être aimé et désiré. Le Tantra est autant l'intégration du masculin et du féminin que la connexion entre le sexe, le cœur et la conscience.

MF : Comment le Tantra approche-t-il l'acte sexuel ?

Dominique : Au cours de la rencontre sexuelle, c'est ne plus vouloir, mais se laisser être, ne plus chercher quelque chose de particulier, comme provoquer d'avantage de sensations ou atteindre un orgasme force 7, mais se laisser posséder par l'amour sans savoir où cela va nous mener. En fait, la sexualité s'améliore, elle devient plus naturelle et moins mentale. Le Tantra dit : Ne faites l'amour que si l'énergie est là, ne forcez pas, ne provoquez pas car si vous cherchez à contrôler, vous vous fermez, vous n'êtes plus dans le présent, dans les sensations. Ecoutez votre corps, obéissez lui car les pulsions qui vous animent, c'est la vie, c'est l'existence, c'est Dieu lui-même qui cherche à s'exprimer. A travers vous, l'univers est orgasmique. Quand l'acte sexuel est devenu complètement naturel au-delà de toute préoccupation mentale, il n'y a plus deux personnes, il ne reste qu'une présence intense et vibrante.

Christine : Pour moi, c'est ne plus être attaché à la recherche de sensations extraordinaires, c'est être tel quel dans le flux de l'énergie du moment aussi bien dans l'intensité que dans le non faire sans aucun mouvement, en totale réceptivité avec soi, l'autre, le tout. Le Tantra reconnaît la possibilité d'un orgasme immense dans l'immobilité absolue. On appelle cela l'orgasme de la vallée.

MF : Les statistiques disent qu'en France, l'acte sexuel dure en moyenne 15 minutes ?

Dominique : Le sexe pour le sexe ne prend pas beaucoup de temps, apparemment surtout pour les hommes, mais est-ce satisfaisant ? Peut-on se contenter d'un sexe décharge ? Si quelqu'un est vraiment présent à ce qui se passe sexe et coeur, je crois qu'il a besoin d'infiniment plus de temps. Paradoxalement je dirais que les hommes ont encore plus besoin de temps que les femmes. Les hommes sont souvent piégés par la tension qui s'accumule dans la zone génitale avec un besoin urgent d'en finir et d'éjaculer. En apprenant à se détendre en même temps qu'ils sont très excités, ils découvrent que le plaisir sexuel peut envahir tout leur corps des pieds à la tête et ne plus rester localisé aux seuls organes génitaux. Curieusement, le besoin d'éjaculer devient alors beaucoup moins pressant et peut même disparaître. C'est à ce moment qu'un homme est mûr pour l'expérience de l'orgasme de la vallée. Toute l'énergie sexuelle s'est transformé en présence.

Christine : La notion de temps est très subjective lors d'une expérience tantrique. Il y a des secondes qui semblent l'éternité, et des heures qui filent comme des minutes. Les femmes ont naturellement un autre rapport au temps que les hommes. Biologiquement leur corps est en attente et les sensations sexuelles sont d'emblée beaucoup moins localisées, beaucoup plus diffuses et réparties dans tout le corps. C'est pour cela que dans le Tantra il est dit que les femmes sont les initiatrices des hommes. Quand la polarité féminine est respectée, l'acte sexuelle peut durer des heures en dehors bien sûr de toute recherche de performance. La performance est un concept essentiellement masculin même si certaines femmes se trouvent contaminé par cette recherche.

MF : J'ai entendu dire que le sexe, les problèmes de couple et les conflits sont liés, pouvez-vous nous expliquer cela ?

Christine :Oui dans notre cerveau l'aire qui régit le désir-sexualité et agressivité-conflits est la même. Nous avons observé que les couples qui expriment leurs conflits ont souvent une attraction sexuelle très forte...et inversement que ceux qui n'expriment aucun reproche ont souvent peu, voir plus du tout de sexualité...

MF : Oui, mais alors, tout le monde est insatisfait ?

Christine : Je crois qu'il peut y avoir une troisième voie, la voie tantrique... Tout d'abord, arrêter de nous perdre dans l'autre et prendre responsabilité pour ce qui se passe à l'intérieur. Nous ne savons pas qui nous sommes et nous le cherchons trop souvent à l'extérieur dans le regard et l'approbation de l'autre alors que la réponse est là au fond de notre coeur. Seule la méditation peut nous donner un sens, et nous aider à trouver notre centre. Les conflits sont inévitables mais si je crois que l'autre est responsable de mon agressivité, je fais fausse route. Par contre de reconnaître et d'affirmer nos différences stimulent les échanges et gardent un couple vivant.

Dominique : La sexualité est une forme de communication et lorsque celle ci n'est pas satisfaisante, la désir s'évanouit sans que personne ne se doute de l'endroit où il se cache et c'est très fréquemment dans la colère refoulée. Le défi est d'arriver à partager honnêtement et simplement son ressenti.
Cela demande d'abord de reconnaître ce qui se passe en soi, je suis en colère, cela me plaît pas... La seconde condition est de ne pas avoir peur de dire ce que je veux. C'est sûr que la personne qui dit oui à tout se coupe de sa sexualité...

MF : Vous proposez une formation en Tantra en France ?

Christine : C'est une formation personnelle de 22 jours, non une formation professionnelle. Elle permet de faire un chemin tantrique continu avec d'autres... Le premier module est sur le corps, le second sur la relation, le troisième sur la transformation de l'ombre dans la danse de kali et le quatrième sur la méditation.

La formation est pour ceux et celles qui veulent aller en profondeur sur le chemin du Tantra. Il y a d'autres groupes proposés tout au long de l'année : des groupes ouverts à tous sur des thèmes particulier, des groupes réservés aux femmes, d'autres aux hommes en relation avec la recherche de son identité masculine ou féminine, enfin des groupes réservés aux couples pour favoriser la communication, l'intimité, la sensualité, une sexualité plus consciente dans un climat de respect, d'amour sacré.

Dominique : Dans cette formation, beaucoup de gens sont thérapeutes, animateurs ou artistes et la démarche s'intègre souvent aussi bien dans leur travail que dans leur vie personnelle. L'année suivante pour ceux qui le désirent, il est possible de nous assister dans l'animation de stages ce qui facilite une intégration possible à leurs domaines d'activité.

MF : merci à tous les deux !!!